Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

times, il ne fut informé ni du nombre des protestants, ni de l’énergie de leur résistance. Le sort d’un souverain absolu est de ne connaître ni son temps, ni son pays, et de vivre au milieu d’illusions soigneusement entretenues par ceux qui l’entourent. Mais si Louis XIV se trompa sur la situation des protestants, et s’il ignora les excès de cruauté ordonnés par ses ministres, le sentiment qui le poussait à imposer l’unité de croyance, et à traiter comme un crime d’État les révoltes de la raison et de la conscience, était partagé par un très-grand nombre de ses sujets, non-seulement à la cour et dans le clergé, mais dans le peuple. Il restait encore au tond des âmes une partie de ces haines de religion qui, cent ans auparavant, avaient produit la Saint-Barthélemy. En septembre 1682, un protestant, garçon de cabaret dans le faubourg Saint-Marcel, est blessé à mort dans une rixe. Le vicaire de Saint-Médard, accouru sur-le-champ, ne peut le décider à se confesser. Le bruit en court, un rassemblement se forme. « Ils firent toutes les violences qu’on se peut imaginer, dit un rapport de police cité par M. P. Clément dans son livre de la Police sous Louis XIV[1] ; ils frappèrent à coups de pierres, bâtons et règles contre les portes, qu’ils rompirent à quelques endroits, cassèrent toutes les vitres et s’efforcèrent d’entrer dans la maison, s’écriant : « Ce sont des huguenots et parpaillots qu’il faut assommer, même mettre le feu aux portes, s’ils ne nous « rendent le blessé. » En 1695, un protestant qui s’était découvert en voyant passer une procession, mais avait refusé de se mettre à genoux, occasionna une émeute. « Les fourbisseurs ont marché par les rues avec des enseignes et l’épée nue. Le menu peuple du quartier Montmartre est sans raison, et ce sera un très-grand bonheur si le reste du jour se passe sans désordre[2]. » Ce sont des exemples

  1. La Police sous Louis XIV, par M. P.  Clément, in-8. Paris, 1866, p. 270 sq.
  2. Depping, Corresp. administr., II, 670. M. P.  Clément, II.