Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/130

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pris dans un grand nombre ; et malheureusement, ce n’était pas seulement le menu peuple qui avait la tête troublée par le fanatisme : tous les poètes, tous les historiens, tous les prédicateurs chantaient les louanges de Louis XIV[1]. La ville de Paris lui érigea une statue avec cette inscription : Ludovico Magno, victori perpetuo, ecclesiæ ac regum dignitatis assertori. On frappa des médailles avec cette légende : Religio victrix, et cet exergue : Templis calvinianorum eversis 1685. Madame de Sévigné écrivit à sa fille : « Vous aurez vu sans doute l’édit par lequel le roi révoque celui de Nantes. Rien n’est si beau que ce qu’il contient, et jamais aucun roi n’a fait et ne fera rien de si mémorable. » Arnaud, le janséniste, le chef d’une secte persécutée, déclara « qu’on avait employé des moyens un peu violents, mais nullement injustes. » L’enthousiasme des évêques n’eut pas de bornes. Massillon, Fléchier se répandaient en louanges, et Bossuet s’écriait, du haut de la chaire sacrée : « Touchés de tant de merveilles, épanchons nos cœurs sur la piété de Louis. Poussons jusqu’au ciel nos acclamations, et disons à ce nouveau Constantin, à ce nouveau Théodose, à ce nouveau Marcien, à ce nouveau Charlemagne, ce que les six cent trente Pères dirent

  1. Le 25 août 1687, le corps des marchands de la ville de Poitiers inaugura une statue de Louis XIV, dont l’inscription portait cette date : Anno reparatæ in Gallia catholicæ religionis secundo. Le même jour, le P. Chesnon, jésuite, prêcha dans la cathédrale, devant l’intendant et les autres autorités. « Il y prononça un fort beau panégyrique du roy. Il commença d’abord par expliquer la différence qui existe entre le culte qu’on rend à Dieu et celui qu’on rend aux souverains de la terre ; et il fit connoître à tout le monde que si Louis le Grand ne possède pas ces perfections infinies qui ne conviennent qu’à Dieu seul, il a pourtant reçu toutes celles qui en approchent davantage, et qui le rendent sur la terre l’image la plus sensible de la Divinité. Ensuite il fist voir qu’il seroit à souhaiter que toutes les villes du Poitou pussent lui élever des statues, en reconnoissance des grâces que la province reçoit de Sa Majesté, et surtout du rétablissement de la religion. » (Extrait des mémoires manuscrits de Foucault, l’intendant de Poitiers, publié par M. [{{{1}}}]. Clément, le Gouvernement de Louis XIV, p. 249 sq.