Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/134

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sécution fut poussée si loin dans le diocèse d’Alais, qu’on fut obligé d’y envoyer des troupes, et que les protestants émigrèrent par bandes considérables. Le soin de faire exécuter la loi contre les nouveaux convertis fut confié aux commandants et aux intendants de province, ce qui ôtait la garantie des tribunaux[1].

L’Église et la magistrature ne cessaient d’insister sur l’exécution rigoureuse de tous ces édits. Sous Louis XV comme sous Louis XIV, on obligeait les protestants à vivre, au moins extérieurement, en bons catholiques. L’ordonnance de 1715 qui, pour prévenir l’expatriation des protestants, leur défendait d’aliéner leurs biens et de mobiliser leur fortune, fut renouvelée tous les trois ans depuis 1715, pendant une période de soixante ans ; et comme ils auraient pu éluder la loi à l’aide d’une conversion simulée, il fut établi que les nouveaux convertis ne passeraient aucun contrat de vente sans en avoir d’abord obtenu la permission. On pensa aux tièdes et aux indifférents, préoccupation bien naturelle chez Louis XV et ses ministres. Ceux des nouveaux convertis, qui ne l’étaient que par frayeur, ou par absence de foi religieuse, auraient pu s’abstenir également des exercices proscrits de leur culte et de la fréquentation des églises : on rendit leur

  1. On lit dans les Ordres secrets donnés en 1768 au maréchal de Richelieu nommé gouverneur de Guyenne : « Il est inutile et même dangereux de chercher à ramener les protestants par la persuasion ; il faut y parvenir par la crainte….
     « Ce sera toujours en vain qu’on entreprendra d’empêcher les mariages et les baptêmes au désert, et de forcer les parents à envoyer les enfants aux instructions de l’Église, tant qu’il y aura des assemblées. Il faut donc s’attacher principalement à les détruire.
     « L’intention de Sa Majesté est que les édits et ordonnances du parlement de Bordeaux du 21 novembre soient exécutés en toute rigueur contre les prédicants. À l’égard des religionnaires qui les auront reçus chez eux, le procès en sera fait selon la rigueur de l’arrêt du 21 novembre. Et ce qui regarde les mariages et les baptêmes faits au désert, Sa Majesté désire qu’il lui en soit rendu compte pour en faire des exemples plus prompts. » Archives de la police, mss. Ordres du Roy, no 5, de la page 402 à la page 449.