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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/135

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présence aux offices du dimanche obligatoire ; on mettait des inspecteurs à la porte des églises peur savoir ceux qui les fréquentaient ou non. Comme les curés étaient alors les seuls officiers de l’état civil[1], quelques anciens religionnaires aimèrent mieux vivre en concubinage aux yeux de la loi et laisser leurs enfants sans fortune et sans nom que de participer à l’un des sacrements de l’Église catholique : on ne leur laissa pas cette triste liberté ; deux déclarations royales[2] prescrivirent des recherches sur ces unions illicites et contraignirent les époux, au nom de la loi, à commettre un sacrilège. Une ordonnance du 17 janvier 1750 remit en vigueur, en ajoutant même quelques aggravations, la terrible ordonnance promulguée par Louis XIV avant la révocation de l’édit de Nantes[3], pour rendre les conversions irrévocables en condamnant les relaps à l’amende honorable, au bannissement perpétuel et à la confiscation. Enfin le despotisme prenait de telles précautions contre les conversions simulées, qu’il attendait sa victime au lit de mort pour lui imposer les sacrements de l’Église. Si, à ce moment suprême, le protestant revenait à sa foi et refusait les sacrements, c’est encore dans ses enfants qu’on le punissait. On faisait le procès à sa mémoire, et ses biens étaient confisqués[4]. Le corps était jeté à la voirie.

C’est un douloureux spectacle que de voir un roi com-

  1. Ils étaient chargés exclusivement de constater les naissances et les décès, de célébrer et de constater les mariages. En outre, les contestations sur la validité des mariages étaient portées devant les tribunaux ecclésiastiques. L’édit de Nantes avait donné les mêmes attributions aux ministres de l’Église réformée, à l’exception de la dernière, qu’ils demandèrent en vain. Les contestations sur les mariages protestants étaient portées devant le juge civil.
  2. Déclaration du 15 juin 1697. Art. 13 de la déclaration du 13 décembre 1698. Déclaration du 14 mai 1724.
  3. Le 13 mars 1679. Cette loi terrible contre les relaps fut renouvelée et aggravée par l’ordonnance du 17 janvier 1750.
  4. 29 avril 1686, 8 mars 1715.