Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut, pour les courtisans, un spectacle tristement révélateur que de voir la dauphine, sur son lit de mort, refuser de se confesser au prêtre que le roi lui envoyait[1].

Le jansénisme fut une des plus grandes questions politiques sous Louis XIV et sous Louis XV. On peut affirmer que Louis XIV, s’il essaya de la comprendre, n’y réussit pas, et que Louis XV ne s’en souciait pas le moins du monde[2]. Parmi leurs sujets, un très-petit nombre de ceux qui étaient persécutés savaient de quoi il était question, et les persécuteurs se contentaient de savoir que

    bonne grâce de ne communier pas plus souvent. » (Saint-Simon, Mémoires, chap. 321.)

  1. « Le P. La Rue, jésuite, s’approcha d’elle pour l’exhorter à ne différer pas sa confession. Elle le regarda, répondit qu’elle l’entendait bien, et en demeura là. La Rue lui proposa de la faire à l’heure même et n’en tira aucune réponse. En homme d’esprit, il sentit ce que c’était, et en homme de bien il tourna court à l’instant. Il lui dit qu’elle avait peut-être quelque répugnance de se confesser à lui, qu’il la conjurait de ne s’en pas contraindre surtout de ne pas craindre quoi que ce soit ; qu’il lui répondait de prendre tout sur lui… Alors elle demanda un récollet qui s’appelait le P. Noël. Dans le moment que le P. La Rue sortit de chez la Dauphine instruit de son intention, il fut au cabinet du roi, à qui il fit dire qu’il avait à lui parler au moment même. Le roi le fit entrer. Il vainquit son embarras comme il put, et apprit au roi ce qui l’amenait. On ne peut jamais être plus frappé que le roi le fut. Mille idées fâcheuses lui entrèrent dans la tête. J’ignore si les scrupules y trouvèrent leur place ; ils devaient être grands. L’extrémité retint l’indignation, mais laissa cours au dépit. La Rue se servit avantageusement de ce qu’il n’y avait pas un instant à perdre pour couper court à une si fâcheuse conversation. « (Saint-Simon, Mémoires, chap. 321 et 322.)
  2. « La constitution (contre les jansénistes), arrachée au pape par Louis XIV et les jésuites, et qui devait sous le régent devenir uniquement sujet de dispute aux théologiens, arriva sous lui à être reconnue comme un dogme, ce que ses plus ardents défenseurs n’auraient osé prétendre sous Louis XIV. L’intérêt d’un pernicieux ministre fit ce miracle, car l’abbé Dubois n’était pas fait pour être scrupuleux quand il s’agissait de plaire aux jésuites et de s’avancer pour le chapeau. Ce fut un insigne malheur de M. le duc d’Orléans, qui donnait journellement l’exemple de l’impiété, de n’avoir pas été sur ce point moins tyrannique que le feu roi, et d’avoir fait par faiblesse et par abandonnement à un valet ce que Louis XIV avait fait pour plaire aux jésuites et par l’entraînement d’un fanatisme sincère. » (Saint-Simon, Mémoires, chap. 423. Cf. Ib., chap. 453.)