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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/140

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le roi condamnait la doctrine contenue dans les livres de Jansénius, qu’il n’avait jamais lus. Tout roulait sur la grâce, et sur le point de savoir si nous pouvons nous passer d’elle et si nous pouvons lui résister. La cour de Rome avait découvert dans un livre de Janson, évêque d’Ypres, ordinairement appelé Jansénius, de son nom latinisé, cinq propositions suspectes, où l’équilibre n’était pas assez scrupuleusement tenu entre la grâce divine et la liberté humaine. Les métaphysiciens et les théologiens avaient là un thème inépuisable, pour étaler leur subtilité et leur érudition. Les gens du monde prirent parti, et les femmes, et les religieuses. Les jésuites, qui étaient une force immense, se déclarèrent avec emportement contre Jansénius ; Pascal, qui à lui seul était une force plus grande encore, combattit pour les jansénistes. On changea plusieurs fois, des deux côtés, de nom et de champions. Bossuet et Fénelon entrèrent en lice. Quelques évêques, et parmi eux le cardinal de Noailles, passèrent d’un camp à l’autre, attirés vers Jansénius par leur raison, et vers les jésuites par leur intérêt. Le parlement, qui se piquait d’être puritain et de ne pas aimer les jésuites, entreprit de lutter contre eux, contre l’archevêque, contre le Pape, et contre le roi. Le Père Quesnel, de l’Oratoire, fut le chef du parti novateur, après Jansénius, Duvergier de Hauranne et le grand Arnaud. Tous ces noms, aujourd’hui obscurs, brillaient alors de l’éclat le plus vif. Clément XI jugea qu’il fallait en finir par un coup de tonnerre. Il forma une commission composée des plus fameux théologiens pour examiner les livres de Quesnel. On y comptait deux Dominicains, deux Cordeliers, un Augustin, un Jésuite, un Bénédictin, un Barnabite et un prêtre de la congrégation de la mission. Ils commencèrent à travailler en février 1712 ; leur examen porta sur 155 propositions ; ils en condamnèrent 101. Le Pape, dans la bulle Unigenitus, fulminée le 8 septembre 1713, les déclara « respectivement fausses, captieuses, mal sonnantes, capables de