Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/154

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raine, étaient réputés étrangers. Il leur était interdit de posséder des terres ; ils ne payaient pas l’impôt, mais un droit particulier, appelé droit d’habitation, protection et tolérance ; ils avaient entre eux des syndics qui jugeaient leurs contestations en premier ressort. Ces syndics étaient ordinairement les rabbins, qui étaient réellement reconnus en qualité de magistrats, puisqu’ils pouvaient constater les mariages et les naissances. Il va sans dire que les privilèges des juifs portugais n’allaient pas jusqu’à leur permettre d’exercer un emploi public. À défaut d’autre raison, le serment de catholicité qu’on exigeait pour entrer en charge, les aurait exclus. Les juifs alsaciens ne pouvant être ni fonctionnaires publics, ni propriétaires, s’étaient tous adonnés à l’usure, ce qui les rendait odieux au peuple, et puissants jusque dans leur abaissement. Telle était à leur égard l’indifférence du pouvoir central, que, le 31 décembre 1716, le roi fit don à M. de Brancas et à Mme de Fontète de quarante livres à percevoir pendant trente ans sur chacune des familles juives établies à Metz. Ce droit fut ensuite indéfiniment prorogé, et c’est l’Assemblée constituante qui l’abolit, non sans opposition[1].

Je m’arrête à cette date solennelle pour constater combien les progrès de la liberté de conscience ont été lents et difficiles. Ne remontons qu’à la naissance du christianisme. Rome s’endormait dans une indifférence qui rendait la liberté inutile, quand l’apparition du christianisme la réveillant tout à coup, elle se jeta dans la voie des persécutions. Le christianisme l’emporte après trois siècles, et de persécuté qu’il était se fait persécuteur. Nul intervalle pour la liberté ; Constantin, dès le jour de sa conversion, impose sa religion à l’empire. Après lui, Julien, qui se croyait philosophe, ne sut pas être libéral ; et son successeur put changer une troisième fois la religion

    née, les six corps de la ville de Paris présentèrent requête au roi en son conseil pour les faire exclure des corporations d’arts et métiers.

  1. Le 20 juillets 1790.