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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/157

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voir la haine s’élever entre des sectes religieuses, entre des écoles philosophiques ; comme si la force pouvait être invoquée dans les luttes intellectuelles ! Et comme si elle n’était pas aussi funeste au parti qui s’en sert, qu’à celui même qui la subit ! N’étudions l’histoire de la guerre, de la force, de la haine, que pour apprendre à aimer la paix, la fraternité, la liberté !

On se fait trop souvent de cette lamentable histoire, un instrument de parti. C’est bien mal comprendre la dure leçon de l’histoire. En bonne justice, on ne doit accuser personne de tant de persécutions et de haines, de tant de sang répandu, de tant d’obstacles élevés contre les droits de l’homme et l’essor de la pensée. Il n’en faut accuser que nos passions et notre ignorance. C’est le sang des barbares et l’héritage de la férocité romaine. Aucun dogme, aucun culte ne peut être responsable de l’intolérance, puisque tous les cultes ont eu leur jour d’intolérance et de fanatisme. La philosophie elle-même qui, par principe, est attachée à la libeité, et qui, en définitive, a la gloire d’avoir émancipé le monde par la Révolution française, n’est pas à l’abri de tout reproche. Si le plus grand nombre des persécutions et des guerres religieuses tombe à la charge de l’Église catholique, c’est qu’elle est la seule dont l’histoire compte dix-huit siècles. Depuis Constantin, elle a eu le malheur de posséder, presque sans interruption, le pouvoir. Elle n’a été intolérante que par la faute des hommes, elle, dont la charité est le principe. L’Église, en reprenant un esprit de douceur, rentre dans sa voie, dont des passions purement humaines l’avaient fait sortir. Je ne puis croire au succès de ces nouvelles croisades entreprises de nos jours contre la liberté au nom d’un fanatisme aveugle. Ce sont des émeutes passagères, plus fatales à l’Église qu’à la liberté, et dont l’Église elle-même se hâtera de faire justice. Ne la rendons pas solidaire de ceux qui ne font que l’agiter et la troubler. Elle ne peu pas se laisser ainsi entraîner à des luttes qui la mettraient