Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/160

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s’ils payeraient toujours les dîmes et la corvée. Il y eut sur divers points des attroupements, des excès commis. On délibérait sur ces troubles, le 4 août 1789, quand un député de la noblesse s’écria qu’il ne fallait pas chercher de palliatif ; qu’il fallait courir à l’ennemi public, et que cet ennemi était la féodalité. À ce mot enfin prononcé, l’Assemblée reçut comme une commotion électrique ; elle eut la pleine conscience de sa mission et de son pouvoir. En une nuit, au milieu d’un enthousiasme qui tenait du délire et qui se propagea en un clin d’œil par toute la France, elle abolit tous les droits féodaux, les justices seigneuriales, la vénalité des charges judiciaires, les capitaineries et droits de chasse, les rentes féodales, le cens, les annales, la dime. C’était proclamer en principe la liberté, toutes les libertés. Cependant il ne fut point question de l’égalité des cultes ; personne n’y songea ; on crut avoir assez fait en retranchant les privilèges pécuniaires du clergé catholique. La Déclaration des droits de l’homme, dont les premiers articles furent votés le 21 août 1789, paraissait établir de la façon la plus formelle les droits des non-catholiques. « Tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit, » disait le premier article. Pouvait-on penser que les protestants et les juifs fussent exclus de cette égalité ? « La loi, disait l’article 6, doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes les places, emplois et dignités, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Ces grands principes, d’une vérité si évidente, et dont l’application devait être si universelle, laissaient les protestants et les juifs en dehors du droit commun, dans la pensée même du législateur. Cette exception, qui nous paraît aujourd’hui si étrange, et qui contraste d’une façon si bizarre avec l’ardent amour de la liberté et de l’égalité qui possédait alors tous les esprits, était si naturelle qu’on dédaignait de l’exprimer. L’habitude d’opprimer, et