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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/161

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l’habitude d’être opprimé, se contractent comme toutes les autres ; la violence, après des siècles, se prend de bonne foi pour un droit, et ceux qui la subissent finissent eux-mêmes par lui trouver quelque apparence de légitimité ; ils ne la contestent qu’à demi, ils lui font des concessions. Deux jours après le décret qui proclamait l’égalité absolue des citoyens, on décréta l’article 18 en ces termes : « Nul ne doit être poursuivi pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble point l’ordre public établi par loi. » Il était donc nécessaire de protéger les dissidents contre les poursuites judiciaires ; ils n’étaient donc pas réellement et complètement égaux à leurs concitoyens, en dépit des termes si généraux de l’article 1er et de l’article 6. Comment y aurait-il eu des dissidents, s’il y avait eu liberté des cultes ? La Constituante entendait protéger les individus, et tolérer seulement les religions ; elle n’allait même pas Jusqu’à leur permettre le culte public. Son principe était en matière de religion d’avoir une religion dominante, et de tolérer seulement les autres. Si nous n’avions tant d’exemples de la ténacité des préjuyéset des obstacles que la liberté en tout genre est obligée de surmonter avant de s’établir dans la loi et dans les esprits, nous aurions peine à comprendre que la Révolution de 1789 n’en ait pas fini irrévocablement avec la prétention d’imposer aux hommes, par la force, des doctrines et des méthodes. Le dix-huitième siècle avait tant fait que le septicisme était partout, chez les gens de lettres et dans une grande partie du peuple, à la Cour et dans la magistrature. Il avait pour maîtres Voltaire et Rousseau. L’Assemblée constituante était toute pleine de leurs partisans. Elle se sentait parfaitement dégagée de la tradition, puisqu’elle prenait quelquefois des résolutions importantes uniquement pour rompre avtc le passé, pour détruire des habitudes, pour désarmer ou supprimer des institutions qui n’auraient pas manqué de ramener la nation en arrière. Cependant cette Assemblée, même quand elle com-