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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/162

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mence à frapper les grands coups, se déclare catholique. Elle écrit dans l’article 18 de la Déclaration des droits que « nul ne doit être poursuivi pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble point l’ordre public établi par la loi ; » et cette restriction, que l’on pourrait accepter dans son sens littéral, car il y a, il doit y avoir une police des cultes, avait au contraire, dans la pensée du législateur, une portée immense. Elle signifiait que l’exercice des cultes non catholiques aurait lieu sans publicité[1]. Un ministre protestant, Rabaud de Saint-Étienne, député de Nîmes, demanda pendant la discussion la publicité pour le culte protestant ; cette demande fut repoussée par une majorité considérable. Le journal de Prudhomme, les Révolutions de Paris, journal très-avancé, en rendant compte de la séance, avoue que « la demande de M. Rabaud de Saint-Étienne parut excessive. Il aurait peut-être mieux réussi s’il eût moins demandé. » Le système bien arrêté de l’Assemblée était celui-ci : un culte dominant, le culte catholique, et tous les autres cultes tolérés, mais privés de publicité. Au mois de juin 1790, l’Assemblée assiste en corps à la procession du saint sacrement dans sa paroisse (à Saint-Germain l’Auxerrois). Le 16 et le 17 juin de la même année, elle règle les traitements des ministres du culte, c’est-à-dire des évêques et des prêtres catholiques, car il ne vint à l’idée de personne de salarier les autres cultes. L’année suivante (29 octobre 1791), Ramond demanda que tous les cultes fussent salariés ; cette proposition inouïe fut couverte par les murmures de l’Assemblée. Sous la Convention même, et jusqu’aux décrets qui abolirent le culte, le clergé catholique toucha seul une indemnité du Trésor.

On n’était plus, à la vérité, depuis les premiers décrets

  1. Mirabeau écrivit à cette occasion au Courrier de Provence : « Nous ne pouvons dissimuler notre douleur, que l’Assemblée nationale, au lieu d’étouffer le germe de l’intolérance, l’ait placé comme en réserve dans une déclaration des droits de l’homme. »