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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/163

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de la Constituante, sous le régime de la religion d’État. En 1790, une pétition couverte de trois mille cent vingt-sept signatures, auxquelles vinrent se joindre quinze cent soixante adhésions publiques, pour réclamer que la religion catholique fût reconnue en qualité de religion de l’État, ayant été envoyée de Nîmes au roi et à l’Assemblée, et suivie d’une proposition formelle, l’Assemblée la repoussa[1]. La minorité en cette occasion fut de deux cent quatre-vingt-dix-sept membres qui publièrent une protestation contre le vote. Ainsi la doctrine nouvelle d’un culte dominant, qui n’était pas religion de l’État, se trouva consacrée.

« Je n’entends pas ce mot de culte dominant, disait Mirabeau : est-ce un culte oppresseur que l’on veut dire[2] ? » et il est certain que, malgré les termes les plus explicites de la Déclaration des droits de l’homme sur l’égalité de tous les citoyens, les dissidents continuèrent assez longtemps encore à être privés d’une partie des droits politiques. Le culte dominant était en effet un culte oppresseur. On avait rendu aux protestants l’état civil ; c’était une mesure depuis longtemps réclamée par l’opinion[3], et dont le par-

  1. L’ordre du jour fut décrété en ces termes, proposés par le duc de La Rochefoucauld : « L’Assemblée nationale, considérant qu’elle n’a et ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les consciences et sur les matières religieuses ; que la majesté de la religion et le respect profond qui lui est dû ne permettent point qu’elle devienne le sujet d’une délibération ; considérant que l’attachement de l’Assemblée nationale au culte catholique, apostolique et romain ne saurait être mis en doute au moment même où ce culte va être mis par elle à la première place dans les dépenses publiques et où, par un mouvement unanime de respect, elle a exprimé ses sentiments de la seule manière qui puisse convenir à la dignité de la religion, et au caractère de l’Assemblée nationale, décrète qu’elle ne peut ni ne doit délibérer sur la motion proposée, et qu’elle va reprendre l’ordre du jour concernant les biens ecclésiastiques. » (Séance du 30 avril 1790.)
  2. Séance du 23 août 1789.
  3. En 1759, sous le ministère du maréchal de Belle-Isle, on créa en faveur des protestants suisses et alsaciens l’ordre du mérite militaire, qui eut les mêmes privilèges que l’ordre de Saint-Louis.