Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/164

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lement[1] et Louis XVI[2] avaient, pris l’honorable initiative longtemps avant la convocation de l’Assemblée. On avait aussi, par une loi, rendu aux descendants des réfugiés la qualité de Français[3] : protestation bien légitime, hélas ! et bien tardive, contre la révocation de l’édit de Nantes ; mais on ne se décida qu’avec peine à abroger l’article de l’édit de 1787 qui excluait les protestants de toutes les places de municipalités auxquelles étaient attachées des fonctions judiciaires. Le 23 décembre 1789, le comte de Clermont-Tonnerre proposa de déclarer que « les protestants, les juifs, les comédiens et les exécuteurs des hautes œuvres » pourraient faire partie des municipalités. « Les juifs, dit-il, sont présumés citoyens, tant qu’on n’aura

  1. Dès 1778. Le vœu du parlement fut renouvelé à la veille de la première assemblée des notables après un discours prononcé dans la grand’chambre par Robert de Saint-Vincent, le 9 février 4787. Robert de Saint-Vincent termina son discours par ces mots : « Si ma proposition ne paraît pas indiscrète à la compagnie, il sera de sa prudence d’examiner s’il ne serait pas expédient que le parlement prévînt toutes les démarches qui pourraient être faites à ce sujet par l’assemblée des notables. »
  2. Voici les termes dans lesquels le garde des sceaux Lamoignon annonça cette résolution à la séance du roi au parlement du 19 novembre 1787.
     « Le législateur (le roi) a vu qu’il fallait nécessairement, ou proscrire de ses États la portion nombreuse de ses sujets qui ne professent pas la religion catholique, ou lui assurer une existence légale… Le roi a concilié dans la nouvelle loi les droits de la nature avec les intérêts de son autorité et de la tranquillité publique… La sage tolérance de leur religion, ainsi restreinte aux droits les plus incontestables de la nature humaine, ne sera point confondue avec une coupable indifférence pour tous les cultes. »
     Le garde des sceaux semble préoccupé de rassurer le parlement contre les conséquences de la mesure. On peut en conclure que les démarches faites par le parlement en faveur des protestants étaient plus politiques que sincères ; et c’est en effet ce qu’on croyait généralement, et c’est ce que rendit plus évident encore la sourde opposition que le parlement fit à l’édit, par des lenteurs, des chicanes, des ajournements. Dans la discussion pour l’enregistrement de l’édit, d’Espréménil s’était écrié en montrant le Christ : « Voulez-vous donc le crucifier une seconde fois ? » En 1787, la marquise d’Anglure, fille d un père protestant et d’une mère catholique, fut déclarée bâtarde par le parlement de Bordeaux.
  3. Art. 22 de la loi du 15 décembre 1790.