Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/166

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die, s’écriait La Fare. Ils ont une fois obtenu une pareille faveur du parlement d’Angleterre : mais aussitôt les boulangers leur refusèrent du pain, et ces malheureux demandèrent bien vite la révocation du bill[1]. » Les protestants eux-mêmes trouvèrent des ennemis dans l’Assemblée. On ne les attaqua pas directement, mais pourquoi décréter leur émancipation ? disait-on. N’est-elle pas entière ? « Les protestants ont la même religion et les mêmes lois que nous, sans avoir le même culte, disait l’abbé Maury ; cependant, comme ils jouissent déjà des mêmes droits, je pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ce qui les concerne[2]. » Cette mansuétude cachait un piège ; car si l’abbé Maury concluait l’émancipation des protestants de la Déclaration des droits, comment s’opposait-il à la réhabilitation des juifs ? et s’il la faisait remonter à l’édit de 1787, il ne pouvait ignorer que cet édit n’avait statué que sur l’état civil des réformés. Une ancienne loi excluait les protestants de toutes les places de municipalités auxquelles étaient attachées des fonctions judiciaires[3]. En définitive, les protestants l’emportèrent ; mais les juifs furent battus, malgré l’éloquence de Mirabeau, qui leur prêta son appui. Le décret fut rendu dans ces termes :

« L’Assemblée nationale décrète : 1o que les non-catholiques qui auront d’ailleurs rempli toutes les conditions

  1. Séance du 23. (Le bill du parlement dont parle La Fare, est de 1752). — Séance du 28 janvier 1790. Rapport de l’évêque d’Autun sur la pétition des juifs portugais et avignonnais établis à Bordeaux, qui demandent à être maintenus dans la possession des droits civiques à eux concédés par lettres patentes de 1776. a Votre comité de constitution a pensé que, sans rien préjuger sur la question de l’état des juifs prise dans sa généralité, il était juste et convenable de décréter en ce moment que les juifs à qui les lois anciennes ont accordé la qualité de citoyen la conservent… »
     Cette motion excite de violentes réclamations.
     Rewbell. Je croirais manquer à mon devoir si je ne m’opposais au projet du comité… L’exception pour les juifs de Bordeaux entraînerait bientôt la même exception pour les autres juifs du royaume.
     Le décret fut voté, malgré une vive opposition.
  2. Séance du 22.
  3. Séance du 23. Discours de Duport.