Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comptant des protestants dans son sein et un très-grand nombre d’incrédules, était compétente pour créer ou supprimer des sièges épiscopaux, pour décider du mode de nomination des évêques, et pour limiter les droits du souverain pontife à une simple suprématie d’honneur, et « à la faculté d’avertir ses collègues. » Camus vint à son secours, et parla en canoniste. Ils soutinrent à l’envi que les apôtres ayant été institués pour toute la chrétienté sans distinction de territoire, il en devait être de même de leurs successeurs ; que la limitation des territoires était une simple affaire de police ; que si Charlemagne, après la campagne de Saxe, Carloman, en 742, Louis le Débonnaire, en 834, avaient pu ériger des archevêchés, une Convention nationale ne pouvait manquer de compétence en pareille matière ; que l’élection des évêques était l’ancienne coutume des chrétiens des Gaules, supprimée par les papes, rétablie par saint Louis, supprimée de nouveau, puis rétablie par l’ordonnance d’Orléans, et enfin abolie en dernier lieu par l’ordonnance de Blois qui avait conféré au roi de France le droit de nommer aux évêchés. Pendant deux longues séances, on entendit invoquer les conciles, citer saint Augustin et saint Jérôme ; on put se croire transporté dans un concile national, ou tout au moins dans une assemblée du clergé.

La droite ne manqua pas d’en faire la remarque : « Vous vous transformez en concile, s’écria le curé de Roanne. Si vous invoquez les canons, il faut rétablir celui qui ordonne aux femmes de ne paraître en public que voilées, celui qui défend de manger le sang des animaux. Si vous faites un triage entre les canons, acceptant ceux-ci, rejetant ceux-là, vous vous constituez juges de la foi, vous faites une œuvre qui n’appartient qu’à l’Église universelle ou au pape qui la représente. L’Église, modifiée par vous dans sa discipline et dans l’administration de ses sacrements, ne sera plus l’Église catholique. Vous commencez un schisme, vous renouvelez l’œuvre de Luther ! »