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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/187

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Dieu n’a aucun caractère légal, pourquoi la loi se chargerait-elle de vous obliger à la tenir[1] ?

Mais l’Assemblée constituante ne se maintint pas dans son rôle politique ; elle blessa la liberté religieuse, quand elle décida que les bulles, rescrits et brefs émanés du Saint-Siège apostolique ne seraient reçus en France qu’après avoir obtenu l’approbation du Corps législatif et la sanction royale[2], et quand, se transformant en concile, elle procéda, sans le concours de l’autorité religieuse, à remanier les circonscriptions diocésaines et curiales, à transformer la hiérarchie ecclésiastique et à changer le mode de nomination des pasteurs.

On n’aperçoit pas d’abord la gravité de la première mesure, parce qu’elle ne nous est pas nouvelle. La nécessité d’une approbation pour tous les actes de la cour de Rome fait partie des libertés de l’Église gallicane[3]. L’Église gallicane l’a demandée, l’Église romaine y a consenti. Ce n’en est pas moins une contradiction formelle de tous les principes catholiques, et l’introduction d’un pouvoir purement laïque en matière essentiellement religieuse. En effet, quelle est, dans chaque Église, l’autorité compétente en matière de foi ? C’est l’autorité que cette Église elle-même désigne. Dans l’Église catholique, c’est le pape, ou le concile, ce n’est pas un simple fidèle. À plus forte raison, ce n’est pas, ce ne peut pas être un magistrat ou un corps, institué sans aucune intervention de l’Église, et qui peut être composé d’indifférents, d’incrédules, de schismatiques, d’hérétiques. Cela tombe sous le sens. Charger des hommes qui peuvent être des protestants de régler la foi catholique, c’est, autant que les hommes peuvent le faire, supprimer la foi catholique. Les en charger directement, ou les charger seulement d’accepter

  1. Ce fut seulement la Convention qui admit les ci-devant religieux au partage des successions. Décret du 28 vendémiaire an II (9 oct. 1793).
  2. 12 juillet 1790.
  3. Libertés de l’Église gallicane, par Pasquier, art. 43 et 44.