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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/200

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times désignées aux assassins. À la Mairie, à l’Abbaye, aux Carmes, à Saint-Firmin, à la Force, on en fit une boucherie. Les nobles et les autres suspects avaient une chance de salut, sur vingt chances de mort ; les prêtres n’en avaient aucune. Un prisonnier sur le point de comparaître devant Maillard et ses compagnons, entendant les cris des massacreurs, les gémissements des mourants, les hourras de la foule, et sentant peut-être l’horreur du sang qui coulait à flots, demande à un ouvrier ce qu’il faut répondre, s’il y a quelque espoir de vivre, d’échapper à la sentence commune. L’autre le regarde, partagé entre la pitié et la haine : « Si tu es prêtre, dit-il, tu es flambé[1]. » Le règne de la Convention commença en quelque sorte le lendemain des journées de septembre. On sait qu’à l’exemple de la Constituante elle voulut promulguer une déclaration des droits de l’homme et qu’elle y inscrivit la liberté des cultes. Elle la réunit, comme cela était naturel et juste, à la liberté de penser et d’écrire. La proposition fut faite le 18 juin 1793 et votée le 23 en ces termes : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. La nécessité d’énoncer ces droits suppose la présence ou le souvenir récent du despotisme[2]. » Ainsi nous voilà bien loin de l’inquisition et de la révocation de l’édit de Nantes, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, tous les encyclopédistes ont victorieusement combattu l’intolérance ; ils en ont démontré la cruelle injustice à tous les esprits ; l’Assemblée constituante, héritière de leurs doctrines, armée du pouvoir nécessaire pour les faire passer dans les lois, a décrété successivement l’émancipation des protestants et celle des juifs ; après elle, la Convention, résumant dans une formule

  1. Bûchez et Roux, Histoire parlementaire, l. XVIII, p. 118.
  2. Séance du 23 juin 1793.