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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/201

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plus complète les lois de sa devancière et le principe philosophique de la liberté des cultes, a déclaré solennellement que le libre exercice du culte ne saurait être interdit ; et comme par un élan d’indigaation, sortant des formes graves et froides de la loi, elle a voulu ajouter ces paroles : « La nécessité d’énoncer ces droits suppose la présence ou le souvenir récent du despotisme. » On devrait croire que la conquête est définitive, et que, sur ce point du moins, l’humanité est entrée irrévocablement en possession de son droit et n’a plus aucun péril à redouter ; et pourtant, jamais victoire ne fut plus éphémère. Le principe de la liberté de conscience peut être passé dans la théorie : il n’est pas encore descendu dans les faits. La Convention, et, après elle, la plupart des gouvernements qui se succèdent, en font litière. On pourrait même dire qu’il est fâcheux pour elle d’avoir été si souvent proclamée, puisque ces proclamations réitérées ont été stériles ; car elles servent à endormir ceux qui aiment à se payer de mots. C’est la pire de toutes les hypocrisies, de confesser de bouche un principe qu’on n’a pas dans le cœur.

Le malheur de la Convention est d’avoir eu une philosophie très-libérale et une politique trop souvent oppressive.

Oppressive à ce point que, seule de toutes les tyrannies, elle s’est appelée la Terreur. Nous venons de l’entendre proclamer les droits de la liberté de penser ; ces déclarations souvent réitérées prouvent qu’elle aimait la liberté, qu’elle la souhaitait, qu’elle attendait d’elle seule le salut de la République ; et pourtant, dominée par les événements qui lui paraissaient légitimer l’abus de la force, entraînée peut-être à son insu par un sentiment de vengeance, souvent provoquée par les tentatives contre-révolutionnaires du clergé, elle ne cessa d’entraver la liberté religieuse, jusqu’au moment où elle proscrivit à la fois la religion et ses ministres.