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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/202

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Trois mois après son installation[1], nous la voyons passer dédaigneusement à l’ordre du jour sur la pétition de quarante communes des départements de l’Eure, d’Eure-et-Loir et de l’Orne, qui demandaient la liberté du culte catholique et le maintien du traitement de ses ministres. Pour elle, au contraire, elle regrettait que la Constituante, en privant les prêtres insermentés de leurs fonctions, leur eût alloué des moyens de subsistance. Elle limita à mille livres le maximum des pensions pour les ecclésiastiques non employés[2]. Le 18 mars 1793, elle décréta, sur la proposition de Charlier, que quiconque reconnaîtrait un émigré ou un prêtre déporté rentré en France, aurait le droit de l’arrêter et de le faire conduire dans les prisons du département pour être exécuté dans les vingt-quatre heures. Le 23 avril 1793, elle revint sur le décret de l’Assemblée législative qui condamnait tout prêtre insermenté à l’exil, et changea le décret d’exil en décret de transportation. « Ce fut, dit M. de Pressensé[3], l’occasion d’une multitude de meurtres. Les populations fanatisées par les clubs se précipitaient sur le passage des prêtres conduits à la déportation, leur demandaient de prêter le serment civique et trop souvent les massacraient sur leur refus persévérant et héroïque. Parfois on les dépouillait avant de les embarquer, et même on tirait le canon sur les barques qui les emportaient. C’est ce qui arriva au Havre, à Dieppe et à Quillebœuf[4]. » Le voyage des prêtres vers le lieu de leur emprisonnement, en attendant un départ toujours différé, était un long supplice. On peut s’en convaincre par la relation de l’un d’eux qui faisait partie du convoi des réfractaires envoyés en mars 1793 du département de la Nièvre à Nantes. Arrivés dans cette ville, ces malheureux prêtres furent jetés pêle-mêle sur un bateau, exposés aux plus mauvais traitements, et ils seraient morts de faim sans la charité

  1. 11 janvier 1793.
  2. 27 septembre 1702.
  3. Loc. laud., p. 250, sq.
  4. Barruel, t. II, p. 318-325.