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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/203

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des Nantais. La gangrène se déclara au milieu d’eux… Ils furent enfin conduits à Saint-Nazaire et à Brest, mais non sans que leurs rangs eussent été singulièrement éclaircis par la mort[1]. Le décret du 23 avril ordonnait que les prêtres réfractaires fussent déportés en Guyane. Danton demanda, le 23 juillet, qu’on ne mît pas ce décret à exécution. « Il ne faut pas, dit-il, nous venger du poison que nous avons reçu du nouveau monde en lui envoyant un poison non moins mortel. C’est dans l’empire du Saint-Père qu’il faut concentrer ce méphitisme sacerdotal. » Lacroix proposa qu’on les jetât en prison et qu’on leur fît gagner leur vie par de rudes travaux. Robespierre insista, sur l’exécution du « sage décret » qui éloignait du sol français la peste contagieuse des prêtres fanatiques, « On oublie, dit-il, que, s’ils restent en France, une sédition contre-révolutionnaire pourrait à chaque instant les délivrer et lâcher au milieu de nous ces bêtes féroces. » Le renvoi au comité de législation fut décidé, mais la mise à exécution du décret de transportation fut rendue impossible par la pénurie d’argent et par la guerre. Les prêtres réfractaires furent entassés sur les pontons, ou envoyés en masse à l’échafaud. À Lyon, Collot-d’Herbois en fit condamner à mort en un seul jour cent vingt. Lebon, à Arras, versa leur sang à flots, et ils figurèrent en grand nombre dans les noyades de Nantes. Les prêtres ne furent pas plus épargnés dans les années qui suivirent. La haine se relâchait pour tous les ennemis de la Révolution, mais non pour eux. Lors même que les ordres donnés étaient moins sévères, les agents subalternes trouvaient moyen de les aggraver, d’inventer des tortures. Un convoi de prêtres condamnés à la déportation traversait Limoges, en 1794. Épuisés par le chagrin, les privations et la fatigue, ils se traînaient péniblement dans les rues sous le fouet de leurs conducteurs

  1. Histoire du clergé de France sous la Révolution, t. II, p. 202 sq. Relation de François Moreau.