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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/204

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et les huées de la foule, quand on eut le courage de faire passer devant eux un porc mitré, suivi d’une procession d’ânes affublés de vêtements sacerdotaux. Pendant toute la route jusqu’à Rochefort, ils furent conduits et traités comme des galériens. C’est au bagne de Rochefort, confondus avec les forçats, qu’ils attendirent le moment d’être jetés sur les pontons. Là on demanda à leurs corps exténués par la fatigue et par la faim, plus de travail qu’ils n’en pouvaient fournir. Le scorbut se mit parmi eux. Il en restait encore soixante-seize de vivants, sur cent quatre vingt-sept qu’on y avait jetés l’année précédente, quand l’évêque Grégoire déroula, devant l’indifférence de la Convention, ce lugubre tableau. « Je croyais, lui répondit Legendre, que nous étions assez avancés en révolution pour ne plus nous occuper de religion[1]. » La révolution ne fut pas moins cruelle pour les religieuses. La Législative avait toléré les couvents de filles vouées à l’enseignement ou au soulagement des pauvres : la Convention leur imposa le serment[2], ce qui, dans la situation des esprits, équivalait à les supprimer. Le 3 octobre, elle renouvelle, sous une autre forme, son décret du 26 mai 1792 portant que tout prêtre déporté, rentré en France, serait exécuté dans les vingt-quatre heures ; seulement le nouveau décret ne parle pas de prêtre déporté, mais de prêtre sujet à la déportation. La déposition de deux témoins, attestant l’identité, suffisait pour les envoyer à la mort. Les malheureux se pourvoyaient en cassation, attendant tout du temps : un décret du 27 février 1794 porte que les sentences contre les prêtres seront sans appel.

Le mouvement de réaction qui eut lieu après la chute de Robespierre aurait dû donner quelque répit aux prêtres réfractaires. Il y eut même un décret pour leur rendre les biens confisqués à l’époque des déportations en masse. Mais le retour aux mesures de rigueur fut presque instan-

  1. 24 frimaire.
  2. 12 vendémiaire an II (3 oct. 1793).