Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/206

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pas les institutions de la liberté contre lui-même. Il ne songe qu’à durer, comme tout gouvernement, et non pas à abdiquer. Il accoutume les âmes à servir : mauvais moyen de les rendre capables de la liberté. C’est dans les essais de la liberté que la liberté se forme, à ses risques. Jamais Washington n’a senti le besoin d’être un tyran. La Convention pouvait punir les prêtres qui complotaient contre elle ; mais elle ne pouvait pas, sans se démentir elle-même et sans faire abus de la force, proscrire ou imposer un culte

À ne considérer, dans l’œuvre de la Convention, que ses déclarations théoriques en faveur de la liberté des cultes, on pourrait dire avec vérité que ces déclarations, si souvent répétées et si souvent démenties, n’étaient pas complètes. En effet, la Convention consacrait comme un droit le libre exercice des cultes ; mais elle ne parlait pas de l’égalité des cultes, ou du moins elle n’en parlait pas dans ses décrets. Cette distinction paraît subtile, et elle ne l’est pas. Si les cultes ne sont pas traités par le pouvoir public avec la plus parfaite égalité, ils ne sont pas libres. L’existence d’un culte privilégié nuit à la liberté des autres. Quand le droit n’est pas égal, il n’est plus le droit. Ce sentiment d’égalité entre les cultes, longtemps étranger à l’assemblée, se trouve peut-être pour la première fois dans les décrets qui abolirent le budget des cultes[1], et qui furent rappelés en ces termes dans l’article 354 de la Constitution de 1795 : « Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi[2]. — Nul ne peut être forcé de contribuer

  1. 7 fructidor an II (24 août 1794).
  2. Notons ici qu’après le coup d’État du 18 fructidor, le Directoire fut investi du pouvoir de déporter arbitrairement les prêtres qui seraient censés troubler la tranquillité publique, a La loi qui rappelle les prôlres déportés est rapportée, dit le Moniteur du 20 fructidor an V(no 350). La ici du 26 vendémiaire an IV sur la police des cultes sera exécutée ; on substituera au serment qu’elle ordonne, celui de haine à la royauté et à