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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/217

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daient : « à se régénérer et à redevenir hommes. » Le vieux Gobel parla après lui d’une voix tremblante. Il fit une courte apologie de sa conduite passée. Il avait accepté tous les décrets depuis l’origine de la révolution, et entre autres celui du 12 juillet, qui lui ordonnait de prêter serment et de rester prêtre : « ma conscience médit, ajoutait-il, qu’en obéissant au peuple, je ne l’ai pas trompé. » Il finit en déposant sur le bureau, ses lettres de prêtrise ; puis, reprenant un peu de fermeté, il cria : vive la République ! Ce cri fut répété par les membres de l’Assemblée et les spectateurs, au milieu des plus vifs applaudissements. Le président Laloi répondit : « Citoyens, qui venez de sacrifier sur l’autel de la patrie ces hochets gothiques de la superstition, vous êtes dignes de la République ; citoyens qui venez d’abjurer l’erreur, vous ne voulez prêcher désormais que la pratique des vertus sociales et morales ; c’est le culte que l’Être-Suprême trouve agréable ; vous êtes dignes de lui. » Ici les applaudissements s’élevèrent et couvrirent la voix du président. On lui cria de toutes parts : « l’accolade à l’évêque de Paris. » — « Depuis l’abjuration qui vient d’avoir lieu, reprit Laloi, l’évêque de Paris est un être de raison. Mais je vais embrasser Gobel. » Il l’embrassa et le décora du bonnet rouge, pendant que l’assistance faisait retentir la salle de ses acclamations. Aussitôt le curé de Vaugirard, Gouppé, de l’Oise, Villers, l’évêque Lindet, prononcent leur abjuration. Plusieurs prêtres, membres de l’assemblée, se précipitent à la tribune pour les imiter. Jullien de Toulouse, ministre protestant, s’écrie qu’il a toujours pratiqué « le tolérantisme le plus étendu. Gobel vient, dit-il, de manifester les sentiments qui sont dans mon âme ; je désire m’identifier à ce grand exemple. » Ce Jullien, député de la Haute-Garonne, était pasteur à Toulouse. Cette scène étrange fut comme un signal auquel répondirent de tous les côtés de la France tout ce qui restait de prêtres corrompus. Chaque jour l’Assemblée, la Com-