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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/223

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est une maladie de l’esprit, je les crois plus malades que ceux contre lesquels ils peuvent s’élever. Pour moi, si j’ai méprisé la superstition, je ne me crois pas en droit de persécuter celui qui en est atteint. » Robespierre parla dans le même sens à la Convention, et fit rendre un décret protecteur de la liberté des cultes[1].

Mais après un pareil ébranlement moral, après cette proscription des prêtres, après ces railleries homicides, dans ce pays où tous les temples étaient profanés, dans cette assemblée qui pendant des mois entiers avait laissé défiler devant elle la sacrilège procession des dévastateurs et des spoliateurs d’églises, un pareil décret n’était qu’une protestation inutile. Il n’eut pas même la force de suspendre les proscriptions dans les départements. Les prêtres constitutionnels furent presque partout confondus avec les prêtres réfractaires. Il y en avait un grand nombre sur les pontons de Rochefort. Les représentants en mission, dont les fureurs se trouvaient désavouées, réclamèrent et obtinrent le droit de ne pas changer de conduite[2]. Et quand bien même l’Assemblée, en proclamant la liberté des cultes, aurait laissé respirer les proscrits, où en étaient ces cultes qu’on faisait libres ? Où étaient leurs prêtres, leurs autels, leurs fidèles ? Où en était surtout le culte catholique, contre lequel s’élevaient tant de haines ? Des prêtres cachés, des fidèles tremblants, les cérémonies du culte accomplies dans l’ombre la plus profonde, les

  1. « La Convention nationale, considérant ce qu’exigent d’elle les principes qu’elle a proclamés au nom du peuple français et le maintien de la tranquillité publique,
     « Défend toutes violences ou menaces contraires à la liberté des cultes. » (15 frim. an II, 5 déc. 1793.)
  2. Séance du 18 frimaire. Discours de Barrère : « Sur la proposition de Robespierre, vous avez pris des mesures de tranquillité publique relativement aux cultes… Plusieurs représentants du peuple dans les départements ont pris des arrêtés pour aider les citoyens à détruire la superstition ; nous pensons qu’il doit être ajouté au décret, que la Convention n’entend pas improuver les arrêtés pris par les représentants du peuple. »
     Cette addition au décret est adoptée.