Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lois protectrices rendues, en grand nombre, également insignifiantes et impuissantes aux yeux des amis et des ennemis, est-ce là la liberté ? Est-ce la tolérance ? En est-ce l’image ? N’est-il pas évident que, dans la situation où se trouvait la France, le premier prêtre qui aurait avoué ses relations avec Rome aurait été livré à la hache ? Cette loi du 15 frimaire venait trop tard. Oui, les cultes subsistaient ; mais la liberté des cultes, à moins de changer les esprits et les mœurs, il n’était plus au pouvoir de personne de la donner.

Robespierre le sentit. Il hésita longtemps à prendre une résolution. Enfin il crut le moment propice pour fonder un culte national. Il célébra le 20 prairial la fête de l’Être suprême. Une entreprise analogue avait réussi en Angleterre et en Russie à d’autres époques. Mais l’esprit moderne ne se prête plus à des créations de ce genre. Il y voit trop clair : il y regarde de trop près. Il peut accepter le monde invisible, mais seulement au pied de la preuve. On peut affirmer qu’avec ses habitudes sceptiques et positives, si jamais il adopte une religion nouvelle, cette religion sera une philosophie ; elle sortira d’une école et non d’un pouvoir. En croyant qu’il fonderait un culte, Robespierre s’exagérait la force de la Convention, et même celle de la terreur. Cette assemblée n’avait plus de force morale à donner. On savait trop qu’elle manquait de foi religieuse. Elle avait donné l’accolade à Gobel, à Momoro, à Chaumette, à la déesse Raison ; et elle prétendait fonder un culte ?

La tentative de Robespierre fut donc vaine. Elle devait l’être ; et même il était dans la logique de l’histoire qu’on en méconnût l’esprit et la portée. Le décret qu’il fit rendre et le discours qu’il prononça prouvent seulement combien était énergique la réaction contre le matérialisme et l’athéisme. Ils prouvent aussi que cette réaction n’allait pas jusqu’à donner aux hommes du pouvoir une idée nette des droits de la conscience humaine. Dans ce