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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/234

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II y a une troisième sorte de propagande, et celle-là est toujours criminelle ; c’est celle qui a recours à la force. Cette sorte de propagande est proprement ce qui constitue l’intolérance.

L’intolérance peut être exercée au nom de l’erreur, et même de l’erreur connue pour telle par l’intolérant ; elle peut procéder par la violence directe ou par la violence indirecte ; par exemple, un proconsul dit à un chrétien : Tu adoreras Jupiter, ou tu mourras ; un inquisiteur dit à un juif : Tu confesseras Jésus-Christ, ou tu mourras ; voilà la violence directe : Louis XIV remet leurs dettes aux nouveaux convertis, il les exempte de loger les gens de guerre, voilà la violence indirecte. On arrive quelquefois par la violence indirecte, à inculquer une croyance ; par la violence directe, on n’agit que sur la volonté, on n’obtient qu’une adhésion extérieure, réprouvée par la conscience de celui qui s’y soumet. Ces diverses formes de l’intolérance peuvent en augmenter ou en atténuer l’horreur : mais le crime de l’intolérance consiste essentiellement dans l’action d’employer la force, ou plus généralement l’autorité, comme moyen de propagande.

La liberté étant le propre caractère de la philosophie, toute doctrine propagée par la force est nécessairement une doctrine religieuse. Je ne parle pas ici de l’intolérance privée, par exemple, des abus d’autorité ou de force commis par un père, un mari, un maître ; car l’intolérance privée n’est exercée impunément que dans les pays où règne l’intolérance publique. L’intolérance publique n’est autre chose qu’une organisation vicieuse des rapports de la religion et de l’État. Or, sur les rapports de la religion et de l’État, trois systèmes sont en présence : le système des religions d’État, celui de l’indépendance absolue, et celui des concordats.

Il convient de faire une classe à part pour l’Angleterre, qui professe la liberté des cultes tout en donnant à l’Église établie une existence officielle. Ce système bâtard ne peut