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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/235

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être expliqué que par les habitudes d’un peuple qui améliore sans cesse ses lois en les réformant, jamais en les supprimant. La religion d’État s’est conservée en Angleterre, parce que tout s’y conserve ; et la liberté s’y est établie, parce que toute liberté finit par s’y établir. L’antagonisme de l’Église officielle et des Églises dissidentes, les luttes qu’il a fallu soutenir pour ôter à la religion de l’État sa prépondérance, et les dangers que ces luttes ont suscités, sont une preuve irréfragable de la nécessité de l’unité et de la logique dans la législation d’un peuple. Aujourd’hui l’Église établie n’a plus, comme religion d’État, qu’une existence nominale. Sa situation rappelle celle de la République française dont Napoléon Ier, empereur, inscrivait le nom en tête de tous les actes de l’autorité publique. Grâce aux progrès de toutes les libertés, la religion d’État en Angleterre, n’est plus qu’un budget et une formule. C’est pourquoi je ne tiendrai aucun compte, dans ce qui va suivre, de cette situation anormale.

Cette réserve faite, il va sans dire que je repousse péremptoirement le système des religions d’État, qui est la négation même, ou plutôt la proscription de la liberté de penser. Soit qu’on subordonne l’État à la religion, comme dans le gouvernement théocratique de Rome, ou la religion à l’État comme en Russie, ou qu’on essaye, comme autrefois en France par l’établissement des libertés de l’Église gallicane[1], de limiter et de contenir le pouvoir spirituel, une religion d’État est la forme la plus complète et la plus absolue du despotisme. En toute autre matière,

  1. On lit dans le préambule de l’Édit pour la promulgation de la Déclaration de 1682 : « Bien que l’indépendance de notre couronne de toute autre puissance que de Dieu soit une vérité certaine et incontestable, et publie sur les propres paroles de Jésus-Christ, nous n’avons pas laissé de recevoir avec plaisir la Déclaration que les députés du clergé de France, assemblés par notre permission en notre bonne ville de Paris, nous ont présentée, contenant leurs sentiments touchant la puissance ecclésiastique, etc. »