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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/248

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en grande cérémonie au Te Deum qu’on chante à la cathédrale de Milan[1]. »

Ce discours et cet acte encore plus significatif avaient un triple but : augmenter en France la force du premier consul, rassurer les populations dont le succès de ses armes le rendait maître, avertir le nouveau pape de la révolution religieuse qui se préparait. Même après ces manifestations éclatantes, la cour de Rome, attentive à tous les actes du premier consul, demeura inactive. Ce fut lui qui, sans recourir aux voies ordinaires de la diplomatie, fît savoir à Pie VII qu’il désirait entrer en pourparlers pour la conclusion d’un concordat. Il désigna même Mgr Spina, qu’il avait entrevu à Verceil, comme un agent qui lui serait agréable, et fixa Turin pour lieu de l’entrevue. Spina se mit en route aussitôt, mais arrivé à Turin, il n’y trouva que l’invitation de suivre le premier consul déjà parti pour Paris. C’est ainsi que le pape eut l’air de faire les premiers pas et de demander à Bonaparte ce que celui-ci était résolu à lui donner, mais en dictant ses conditions. Mgr Spina arriva vers le milieu de juillet à Paris et fut mis en rapport avec trois membres du conseil d’État, Portalis, Crétet et Bigot de Préameneu, et un ecclésiastique, l’abbé Bernier, curé Vendéen, dont l’habileté plus que mondaine était connue du premier consul, qui l’en récompensa plus tard par l’évêché d’Orléans. De son côté, le gouvernement français envoya à Rome un ancien commis des affaires étrangères sous Louis XVI, qui avait joué un certain rôle sous la République, M. Cacault. « Traitez avec le pape, lui dit le premier consul, comme s’il avait deux cent mille hommes à ses ordres. » L’éloquence de Bonaparte, comme sa conduite, procédait par bonds, mais ces excès apparents ne sont là que pour dissimuler un chemin très-uni et une volonté parfaitement sûre de son but et de ses moyens. Très-peu de temps

  1. Dépôt de la secrétairerie d’État.