Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après avoir entendu cette phrase célèbre, comme la négociation traînait en longueur, Cacault reçut l’ordre de mettre immédiatement le pape en demeure, de le menacer d’une rupture et même d’un envahissement de son territoire, et, s’il ne cédait pas, de prendre ses passe-ports. Le pape eut recours à la politique ordinaire de la cour de Rome. Il se plaignit, protesta de ses bonnes intentions et demanda du temps. Les derniers ordres reçus par l’ambassadeur ne lui permettaient d’accorder aucun délai. Il partit donc, et, suivant ses instructions, s’arrêta à Florence auprès de Murat, général de l’armée d’Italie. Mais en partant il emmenait dans sa voiture le cardinal Consalvi, secrétaire d’État de Pie VII, et de plus son confident et son ami, qui, par le conseil de Cacault lui-même, allait à Paris pour essayer de sauver à la fois le concordat et la dignité du saint-siége.

Le cardinal arriva à Paris mourant de peur, et trouva un homme qui voulait être obéi, et qui, à chaque difficulté, parlait de rompre. Il en parlait, mais n’y songeait pas, ce que l’habile et timide Italien fut longtemps à soupçonner. Dans une étude aussi attachante qu’instructive sur les négociations du concordat[1], M. d’Haussonville résume ainsi, d’après les Mémoires de Thibaudeau, les conversations de Bonaparte avec ses plus intimes conseillers ; « Il discutait l’affaire à fond et sous toutes ses faces ; mais ce sont les raisons d’intérêt pratique et d’utilité immédiate, ce sont les avantages à retirer d’une intime alliance avec la religion catholique qui tiennent évidemment le premier rang dans son esprit. Passant en revue, selon son habitude, les différents partis à prendre, il n’a point de peine à leur démontrer que ce serait une duperie de s’entendre avec les évêques et les prêtres constitutionnels. Leur influence est en baisse ; ils ne lui apporteraient aucune force. Tout au plus peut-on en menacer Consalvi. Se mettre à la tête

  1. Revue des Deux Mondes, 1er mai 1866, p. 224.