Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une église séparée, se faire pape, c’était tout simplement impossible. Voulait-on qu’il se rendît odieux comme Robespierre, ou ridicule comme La Réveillère-Lepeaux ? Protestantiser la France ? On en parlait bien aisément. Tout n’était pas possible en France, quoi qu’on dît, et lui-même ne pouvait rien que dans le sens de ses aspirations véritables. Le catholicisme était la vieille religion du pays. Une moitié de la France au moins resterait catholique et l’on aurait des querelles et des déchirements interminables. Il fallait une religion au peuple ; il fallait que cette religion fût dans la main du gouvernement. » Le premier consul concluait qu’il fallait faire un arrangement avec le pape, à la condition de rester maître souverain du clergé. « On déporte les prêtres qui ne se soumettent pas, et l’on défère aux supérieurs ceux qui prêchent contre le gouvernement. Après tout, ajoutait-il, les gens éclairés ne se soulèveront pas contre le catholicisme ; ils sont indifférents[1]. »

L’arrangement fut donc convenu, après de nombreux pourparlers, dans lesquels Consalvi obtint des commissaires quelques concessions assez importantes. La signature devait avoir lieu, le 13 juillet, chez Joseph Bonaparte. L’abbé Bernier vint chercher le cardinal à quatre heures. « Nous en finirons dans un quart d’heure, lui dit-il, n’ayant rien autre chose à faire qu’à donner six signatures, lesquelles, y compris les félicitations, ne demanderont pas un temps si long. » Mais quand l’abbé Bernier déploya le

  1. Le premier consul donna des instructions très-précises aux négociateurs. Le passage suivant indique très-nettement qu’en faisant le concordat il n’entendait pas se livrer à la cour de Rome : « Les Français, dit-il, veulent le retour de la religion avec l’intégrité de ses dogmes et la légitimité de son sacerdoce, mais ils entendent conserver leurs anciennes libertés ; ils veulent rester dans les termes des écrits et des déclarations du clergé de France, de l’ouvrage en défense de Bossuet, du quatorzième discours de Fleury. Ces ouvrages doivent être regardés comme des instructions dont il n’est pas permis de s’écarter.
     « Le culte catholique sera en France une faculté, un droit social, mais non pas une puissance ; le gouvernement ne veut donner au culte catholique qu’une existence sociale sans aucune prééminence. »