Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne la voulait pas. Les discussions reprirent le lendemain ; on fit une cote mal taillée, et le premier consul, qui réservait à la cour de Rome une surprise douloureuse, accepta. Le concordat fut signé, sauf ratification ; la nouvelle en fut rendue publique, et le silence fut, du même coup, imposé aux journaux. « Cette recommandation adressée aux journalistes était, aux yeux du premier consul, comme le post-scriptum indispensable du concordat. Après avoir rétabli l’ordre, il prescrivait maintenant le silence[1]. »

Pour rétablir en France la publicité du culte catholique, le premier consul avait de grands obstacles à vaincre : d’abord les athées, et tous ceux qui, en haine du passé, voulaient répondre à la domination par l’oppression ; le nombre en était grand, non-seulement dans les anciens jacobins, mais à l’armée, dans la nouvelle cour et jusque dans la famille Bonaparte[2] ; puis les politiques, qui regardaient comme une chimère la supposition d’un clergé obéissant. À Rome, il fallait triompher de ceux qui pensaient qu’on peut difficilement changer la discipline sans changer le dogme, et de ceux mêmes qui, sans pousser si loin leurs terreurs, croyaient toutes les traditions compromises, si l’on touchait à d’anciennes traditions même en matière de discipline. Le premier consul ne réclamait pas seulement, pour lui et ses successeurs, les droits de nomination, de discipline, qui appartenaient aux

  1. M. d’Haussonville, II., p. 233.
  2. Le concordat fut considéré, en France, comme l’acte le plus contre-révolutionnaire du gouvernement de Bonaparte. Le Corps législatif, quoique complètement asservi, donna le premier signal de résistance en choisissant pour son président, le lendemain du concordat, Dupuis, auteur de l’Origine de tous les cultes. En 1814, lorsque le Sénat, sous l’inspiration de Talleyrand, promulgua une constitution dérisoire pour livrer avec un simulacre de légalité le trône à Louis XVIII et la France aux ennemis, les cinq premiers articles ne contenaient que la garantie des dignités, des grades, des richesses acquis au service de l’empereur que l’on trahissait, le sixième et dernier article promettait la liberté des cultes et des consciences ; tant on comprenait bien la nécessité de rassurer le peuple sur le premier et le plus nécessaire de tous les droits.