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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/28

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procédé démonstratif et vraiment scientifique. La question est de savoir si toutes les théories ainsi voilées sous un mythe doivent être bannies de la philosophie, et considérées partout comme de purs jeux d’esprit. Pour Platon en particulier, quand on lit le mythe du Phèdre[1], repris et développé dans le mythe de la République[2], celui des Lois, sur l’âge d’or[3], celui du Politique[4], sur les cataclysmes périodiques dont il reparle encore à plusieurs reprises, on ne peut douter que, sans en accepter tous les détails au pied de la lettre, et sans confondre ces théories avec les résultats directs et positifs de la dialectique, il n’ait vu en elles des parties intégrantes de son système, et, en tout cas, quelque chose de plus que des rêveries. Il interprétait comme des symboles les fables des poëtes qu’il ne pouvait pas admettre comme articles de foi, et, à son tour, il enveloppait dans des symboles les doctrines philosophiques qu’il ne pouvait pas démontrer.

La crédulité de Platon est plus manifeste encore dans tout ce qui a rapport aux songes, aux oracles, à la divination, aux sortilèges. Nous avons vu ce qu’il rapporte des songes de Socrate. En beaucoup d’endroits, il parle très-sérieusement de l’art de la divination, qu’il appelle « le plus beau de tous les arts[5], l’ouvrière de l’amitié qui est entre les dieux et les hommes[6]. » Il vante les services rendus à la Grèce par les prêtresses de Delphes et celles de Dodone[7]. Quoiqu’il ait des paroles de mépris pour « ces devins et ces sacrificateurs ambulants qui assiègent la porte des riches, leur persuadant qu’ils ont obtenu des dieux, par certains sacrifices et enchantements, le pouvoir de remettre les crimes[8] », il croit lui-même aux enchan-

  1. Trad. fr., t. VI, p. 53 sqq.
  2. Liv. X, Irad. fr., t. X, p. 279 sqq.
  3. Liv. IV, trad. fr., t. VII, p. 226.
  4. Trad. fr., t. XI, p. 370.
  5. Phèdre, trad. fr., t. VI, p. 42.
  6. Le Banquet, t. VI, p. 269.
  7. Le Phèdre, Irad. fr., t. VI, p. 43.
  8. La République, liv. II, trad. fr., t. IX, p. 77.