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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/296

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en lui infligeant le litre de religion d’État[1] ; et, même de nos jours, la plus libérale des constitutions, dont le principe était de remplacer partout le gouvernement préventif par l’action répressive des tribunaux, avait laissé subsister pour les cultes la nécessité d’une autorisation administrative préalable.

Il ne faut donc pas nous endormir dans une sécurité trompeuse, et croire que la liberté est ancienne parce qu’elle nous paraît nécessaire et évidente. C’est une conquête d’hier, sur laquelle ses ennemis pourraient encore mettre la main si nous n’étions pas là, toujours sur nos gardes, toujours prêts à la défendre. Et nous pouvons ajouter aujourd’hui en songeant à l’état général de l’Europe : L’intolérance nous entoure de tous côtés ; elle est sur toutes les frontières. Ceux qui chez nous s’efforcent de la faire revivre en la ranimant dans les mœurs, avec l’espérance secrète de la rétablir dans les lois, ne manquent ni d’exemples ni d’encouragements au dehors. Il ne faut jamais dire : « La destruction de la liberté est impossible. » C’est pour l’avoir trop dit et pour l’avoir trop cru que plus d’un peuple libre est tombé dans la servitude.

Je n’ai pas la prétention de faire une revue exacte de la législation des différents peuples de l’Europe, pas plus que je n’ai songé à faire une histoire complète de toutes les persécutions, ou un résumé fidèle de toutes les vicissitudes de la liberté de conscience en France depuis 1789 jusqu’à nos jours. Il me suffira de montrer par des exemples que l’intolérance n’engendre qu’une fausse paix, et que la liberté est aussi nécessaire qu’elle est juste. Des trois religions qui se partagent aujourd’hui l’Europe, il n’en est pas

  1. Dans la discussion du bill contre l’agression papale, au parlement d’Angleterre, M. Gladstone a déclaré qu’il s’opposait à la seconde lecture dans l’intérêt de l’Église établie. « À mes yeux, ce bill est hostile aux institutions nationales et surtout à la religion anglicane, parce qu’il apprend à cette religion à compter sur d’autres appuis que ceux de sa force spirituelle et de sa vitalité, seules sources de vigueur pour elle. »