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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/303

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c’est amnistier la violence dans le passé et dans l’avenir ; c’est vous rendre en quelque sorte responsables du sang versé ; c’est fausser la religion chrétienne, la calomnier, la mettre en péril. Comment est-il possible qu’un catholique, lisant chaque jour l’Évangile, prêche l’intolérance ? Et comment est-il possible qu’en attestant la liberté de la conscience, il ne se sente pas complice de ceux qui, en Pologne, en Russie, en Irlande, proscrivent et persécutent le catholicisme ? Ceux dont nous venons de raconter les malheurs ne sont ni des juifs, ni des protestants ; ce sont vos frères, catholiques comme vous, qui invoquent, contre vous et contre leurs oppresseurs, la liberté de la conscience humaine.

Je dirai peu de chose de la situation du catholicisme en Irlande et en Angleterre, parce que cette situation est connue et appréciée de toute l’Europe. Le catholicisme est en Irlande la religion de la majorité. À ce titre, il n’a droit à aucune prédominance ; mais il a droit au moins à l’égalité avec le culte de la minorité. Il n’en a pas été ainsi jusqu’en 1829 : l’Église de la majorité n’a été que tolérée ; l’Église de la minorité a été l’Église officielle, l’Église dominante. Même aujourd’hui, après l’acte d’émancipation, l’inégalité demeure flagrante entre les deux Églises. Elle l’est notamment dans une matière où la question de majorité devrait avoir une importance décisive, je veux dire dans ce qui touche au budget des deux Églises. Jusqu’en 1829, un évêque catholique était un suspect, aux yeux de la loi anglaise ; aujourd’hui, c’est différent : il n’est plus un suspect, il n’est rien ; la loi ne le connaît pas, il est pour elle un simple citoyen ; voilà ce qu’on appelle en Angleterre et en Irlande la liberté des cultes. Et on aurait raison si la même règle était appliquée à toutes les églises. L’évêque peut être propriétaire comme tout autre sujet britannique ; mais alors la propriété tient à la personne, non à l’évêque qui, n’existant pas légalement, est incapable de posséder. On tourne quelquefois la