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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/332

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poserait. Il supprimerait donc la liberté scientifique, qu’il doit respecter et protéger. Mais quand la loi subsiste, elle est tenue pour nécessaire, jusqu’à ce qu’elle soit abrogée. On peut la discuter ; on ne peut l’enfreindre.

Si l’État se borne à interdire une religion qui ne peut être professée sans violation de la loi, ou à contraindre les religions existantes à ne pas violer la loi, il fait acte de conservation pour lui-même, il ne fait pas acte de violence contre les religions.

Mais si, en dehors des actes formels, expressément condamnés par la loi écrite, il se fait juge du dogme, le proscrit ou le limite, intervient dans la discipline, nomme ou révoque les ministres, il se rend coupable d’usurpation : 1o parce que ses actes ne sont pas nécessaires, 2o parce qu’il s’attribue une compétence qu’il n’a pas.

L’État n’a pas de doctrine religieuse ; il n’est ni métaphysicien, ni théologien. Il ne peut pas commettre un juge d’instruction ou un commissaire de police pour examiner des dogmes. En un mot, la religion ne peut être ni servante de l’État, ni maîtresse de l’État, ni protégée par l’État. Qu’est-ce qu’une religion subordonnée à l’État ? C’est l’erreur employée comme moyen de police. Je dis l’erreur ; car si la religion est vraie et divinement instituée, comment peut-elle être soumise à un pouvoir humain ? La vérité ne dépend de personne. L’empereur de Russie est pape ; il fait le dogme : s’il ne le fait, il peut le faire : donc, la religion russe n’est que l’erreur employée comme moyen de police.

Qu’est-ce qu’une religion maîtresse de l’État ? C’est la négation pure et simple de la liberté de conscience, de la liberté politique et de la liberté civile. L’Église commence par se déclarer infaillible, après quoi elle défend d’attaquer son dogme, c’est-à-dire de penser ; d’attaquer son autorité, c’est-à-dire de modifier la constitution et les lois ; d’attaquer sa morale, c’est-à-dire de se gouverner, dans la pratique de la vie, par une autre morale que la sienne.