Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/47

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dogme. Le crime change d’objet et de victimes, sans cesser d’être un crime. En même temps l’empereur transforme les évêques en magistrats de l’ordre civil, et renvoie les parties à se pourvoir devant leur juridiction[1]. Il rassemble le premier concile œcuménique, et préside en personne la première séance[2]. Arius est condamné dans ce concile, et l’empereur, comme les Pères, semble croire qu’une fois séparé de l’Église, Arius est devenu l’ennemi de l’État[3]. L’intolérance civile entre dans une phase nouvelle, parce qu’en s’unissant au christianisme, elle s’unit à l’intolérance religieuse.

À partir de ce moment, les deux intolérances réunies se prêtent mutuellement des forces. Elles diffèrent assurément par leur origine et par leurs caractères les plus essentiels, puisque l’intolérance religieuse est toute spirituelle, et l’intolérance civile toute temporelle ; mais leur alliance, impossible ou du moins inexplicable autrefois, devient maintenant intelligible. Quand les païens persécutaient, comment pouvaient-ils se justifier à eux-mêmes ces violences exercées au nom d’une religion sans autorité, à laquelle la plupart du temps ils ne croyaient pas, et qui, dans sa vague extension, pouvait recevoir dans son sein tous les cultes ? Les chrétiens, au contraire, avaient une doctrine déterminée, une foi inébranlable dans cette doctrine, et la conviction qu’on ne pouvait s’en écarter sans encourir la damnation éternelle. Ils croyaient de bonne foi sauver les âmes en torturant les corps. Cette conviction ne justifiait pas les attentats contre la liberté ; mais elle les expliquait, dans un temps où la philosophie était sans force, et la dignité de l’homme perdue.

Si, à cette heure de l’histoire, le poids de la persécution pesa plutôt sur les ariens que sur les païens, c’est que,

  1. Soz., Hist., liv. I, chap. IX.
  2. Le concile de Nicée, en 325. La première séance eut lieu le 19 juin.
  3. Fleury, Hist., liv. X, chap. XVIII.