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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/57

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d’Alexandrie, regardait les religions comme les formules sacrées d’un vaste système philosophique. Il en expliquait le sens avec facilité, et n’était arrêté ni par leurs contradictions, ni même par des absurdités qui n’existaient pour lui qu’à la surface. Cette situation d’esprit aurait dû le conduire à la tolérance universelle ; et qui peut douter qu’à l’exemple de plus d’un pontife, il eût mis Jéhova et Jésus-Christ dans son panthéon, s’il n’avait su mieux que personne que le propre du judaïsme et du christianisme était d’exclure formellement l’éclectisme ? Plus il était porté à admettre tous les cultes, et à regarder comme une impiété l’exclusion d’un seul culte, plus il se sentait irrité contre des hommes qui faisaient au contraire consister l’impiété dans l’acceptation des doctrines ou même des formes étrangères à leur propre culte. Il ne croyait pas se contredire en proclamant la liberté des cultes, et en excluant de cette liberté les chrétiens, qui en étaient les ennemis. Non seulement les chrétiens étaient les ennemis théologiques de l’indifférence en matière de formes religieuses, qui était un des grands caractères de la religion romaine ; non-seulement ils pratiquaient dans leur église l’intolérance religieuse, mais ils avaient exercé, et contre Julien lui-même, l’intolérance civile ; et ils avaient montré surabondamment qu’ils étaient prêts à imposer leur doctrine par la force et à persécuter les doctrines contraires. Tout le monde en était au point de substituer la force à la preuve, ce qui est étouffer la raison et dégrader l’homme.

La liberté semble si naturelle, qu’on a peine à se persuader qu’il ait fallu aux hommes un si long apprentissage pour en connaître les droits et la douceur. Cependant, si Julien, en sa qualité de philosophe, avait proclamé la liberté des cultes, comme c’était son devoir, il est probable qu’il n’aurait été ni compris ni obéi.

Il fut quelquefois libéral en théorie ; il balbutia quelques mots de liberté » comme l’avait fait avant lui Constan-