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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/63

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représentant unique de Dieu sur la terre. L’absurdité n’était pas plus grande, elle n’était que plus manifeste, quand les rois, gênés dans leur gouvernement temporel par le pouvoir purement spirituel des évêques et du pape, essayaient de revendiquer certains droits spirituels, d’établir entre eux et l’Église une constitution inviolable, ce qui était au fond limiter le pouvoir spirituel. Il fallait ou supprimer le pape, ou le subir. Le pape, qui opposait aux prétentions temporelles des rois le dogme de la théocratie universelle, opposait le dogme de l’infaillibilité à leurs prétentions spirituelles. L’infaillibilité est logique, comme la théocratie ; elle est au-dessus de la théocratie, elle est le dernier mot. Elle est l’intolérance complète, l’intolérance parfaite. Elle peut être, certes, combattue, et victorieusement, au nom de la raison et du droit ; mais elle ne peut être disputée et chicanée par ceux qui admettent l’institution divine de l’Église, et la transmission, à l’Église universelle et au pape qui la gouverne, de l’autorité de-Jésus-Christ et des apôtres. Si on a été si longtemps dans les ténèbres sur cette question, c’est qu’on a trop souvent confondu le droit et le fait, et que le droit a été contesté par des adversaires qui commençaient par l’admettre. Il n’y a que deux choses : l’intolérance, dont la formule est l’infaillibilité, la conséquence la théocratie, et le gouvernement, l’inquisition ; ou la liberté, fondée sur la raison dont la conséquence théorique est que rien ne doit être admis sans démonstration, et la politique, que tout doit reposer sur la volonté nationale.

Dès que l’Église se fut reconstituée après les premiers troubles de l’invasion, le clergé tendit à l’infaillibilité, à la théocratie et à l’inquisition. Il ne cessa de combattre le seul ennemi théorique qu’il puisse avoir, c’est-à-dire la raison. Il l’appela l’innovation, ce qui est bien plus que l’hérésie, car l’hérésie est une innovation en matière de dogme, et le clergé redoutait les innovations même les plus simples, tant il comprenait qu’il était la tradition, le