Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de péché originel ; Adam a péché le premier, il a donné l’exemple du péché, il nous a rendu par sa faute la perfection plus difficile. Mais comme il est seul coupable de désobéissance, il en est seul responsable, et nous ne pouvons pas être condamnés et punis pour un crime auquel nous n’avons pas participé. Cette opinion est contraire à la Bible[1], à l’Écriture[2] et à l’enseignement universel de l’Église[3]. 3o L’homme peut arriver au bien par lui-même, par le seul effort de la volonté sans le secours de la grâce : opinion formellement condamnée par l’Écriture, qui soutient que nous ne pouvons même former une bonne résolution, sans la grâce de Dieu qui nous en rend capables[4]. 4o Si la grâce est nécessaire, ce que Pelage se vit contraint d’avouer plutôt par les menaces que par les raisonnements de ses adversaires, elle consiste dans les facultés naturelles que Dieu nous donne, et quand il y joint une inclination plus forte vers le bien, cette grâce extraordinaire nous est accordée à cause de nos mérites, et non gratuitement ; elle rend le bien facile, mais on n’en peut pas conclure qu’il serait impossible sans elle. En un mot, Pelage s’efforce de rendre l’humanité maîtresse d’elle-même sous la loi de l’Évangile, tandis que l’Église, pour établir plus fortement la nécessité des sacrements, fait dépendre la liberté de la grâce nécessaire et gratuite[5]. Plusieurs siècles après, Abélard soutint quelques-unes des propositions de Pelage sur la liberté, le péché originel et la grâce. Il lui ressemble surtout par le désir d’expliquer et de comprendre, et c’est aussi par là qu’il s’attira l’animadversion de l’Église. On lui reprocha en outre quelques erreurs sur la Trinité. Il ne pouvait pas ne pas eu commettre, du moment qu’il essayait d’appliquer

  1. Ps. 50, v. 7, Job, c. XIV, v. 4.
  2. Ad. Rom., v. Ad. Ephes., II.
  3. Cf. Vossius, Histoire du Pélagianisme, part. I, thes. 6.
  4. Év. selon saint Jean, VI, 44. Ad Ephes., II, v. 8 ; II ad Cor., c. II, v. 5.
  5. Saint Augustin, De la Grâce.