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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/72

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laquelle le pape promettait l’argent et les terres des vaincus. Il y avait dans Béziers des catholiques et des Cathares. Quand la défense eut cessé, les soldats demandèrent à Arnauld Amalric, abbé de Cîteaux, l’un des légats, comment faire pour distinguer les bons d’avec les méchants. « Tuez, tuez, répondit le prêtre : Dieu reconnaîtra les siens[1]. » — « Sitôt entrés, dit Pierre de Vaulx-Cernay, l’historien et l’apologiste de la croisade, ils égorgèrent presque tout, du plus petit jusqu’au plus grand, et livrèrent la ville aux flammes… Même dans l’église de Sainte-Madeleine, il fut tué d’entre eux jusqu’à sept mille le jour de la prise de Béziers[2]. Carcassonne fut ensuite prise d’assaut ; l’avarice des vainqueurs la préserva de la ruine. « Les croisés remarquant, dit le même historien, que s’ils faisaient ici comme ils avaient fait à Béziers, la ville serait détruite et tous les biens qui étaient en icelle consumés, en sorte que celui qu’on rendrait maître de ces domaines n’aurait de quoi vivre ni entretenir chevaliers et servants pour les garder, pour ce fut-il arrêté que tous sortiraient nus de la ville… Tous donc sortirent nus de la ville, n’emportant rien que leurs péchés[3]. » Simon de Monfort, comte de Leicester, devint alors généralissime des croisés, et continua cette guerre atroce dont la guerre des Cévennes et les Dragonnades devaient plus tard raviver les souvenirs. La légende de Pierre de Vaulx-Cernay, écrite par un moine, dans le camp des croisés, est toute

  1. « Cædite eos, novit enim Dominus qui sunt ejus. » Caesarius Heisterbacensis, Illustria miracula. Cologne, 1591, in-8, p. 382. — Manrique, Annales cisterciennes. Lyon, 1642, in-folio, t. III, p. 502. — Cf. Henri Martin, Histoire de France, 4e édit., t. IV, p. 33.
  2. Éd. de M. Guizot, p. 53, sq. — Suivant le chroniqueur Albéric de Trois-Fontaines, il y eut soixante mille personnes égorgées. Bernard Ithier, de Limoges, n’en compte que trente-huit mille. Arnauld Amalric, le légat, dans la lettre qu’il adresse au pape pour lui annoncer la victoire en avoue vingt mille. — Cf. Henri Martin, II., p. 34.
  3. Pierre de Vaulx-Cernay, Histoire des Albigeois, collection de M. Guizot, p. 58.