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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/73

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dégouttante de sang. Ouvrons-la, pour ainsi dire, au hasard. « Le château de Lavaur étant pris, sur l’heure en furent tirés Amaury de Montréal, et autres chevaliers au nombre de quatre-vingts, que le noble comte Simon arrêta de pendre tous à un gibet ; mais quand Amaury, le plus considérable d’entre eux, fut pendu, les fourches patibulaires, qui par la trop grande hâte n’avaient pas été bien plantées en terre, étant venues à tomber, le comte voyant le grand délai qui s’en suivait, ordonna de tuer les autres. Les pèlerins s’en saisirent donc très-avidement, et les occirent bien vite sur la place. De plus, il fit accabler de pierres la dame du château, sœur d’Amaury, et très-méchante hérétique, laquelle avait été jetée dans un puits. Finalement nos croisés avec une allégresse extrême brûlèrent hérétiques sans nombre[1]. » Les Cathares n’étaient pas moins féroces que leurs ennemis : triste et inévitable effet des guerres civiles. Gérard de Pépieux et ses soldats voulurent obliger un prêtre et six chevaliers à abjurer la foi catholique. Les tourments les plus cruels, le feu même ne put les contraindre à l’apostasie. Alors Gérard leur creva les yeux avec leurs propres pouces, leur coupa les oreilles, le nez, et la lèvre supérieure,

  1. Pierre de Vaulx-Cernay, p. 145. — Après la prise de Minerve, cent quarante hérétiques furent jetés ensemble en un immense bûcher, sous les yeux de l’abbé de Vaulx-Cernay, l’un des légats. — Cf. Henri Martin, II., p. 43. — Le concile de Narbonne, tenu en 1235, promulgua un règlement où l’on remarque les passages suivants : « Les hérétiques qui se sont rendus en quelque manière indignes d’indulgence, et qui toutefois se soumettent à l’Église, doivent être emmurés à toujours ; mais comme le nombre en est si grand, qu’il est impossible de bâtir des prisons pour tous, vous pourrez au besoin vous dispenser de les enfermer, jusqu’à ce que le seigneur pape en soit plus informé. Quant aux rebelles qui refusent d’entrer ou de demeurer en prison, ou d’accomplir quelque autre pénitence, vous les abandonnerez au juge séculier sans les écouter davantage, et vous traiterez de même les relaps… À cause de l’énormité du crime, on doit admettre pour convaincre les accusés le témoignage des malfaiteurs, des infâmes et de tous ceux qui ne déposent point en justice. Gardez-vous de révéler les noms des témoins, » H. Martin, II., p. 157, sq.