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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/84

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lettres. C’est sous François Ier[1], c’est par ses ordres que le baron d’Oppède massacra trois mille Vaudois[2], jeta le reste sur les galères, livra leurs femmes aux soldats, mit le feu à vingt-quatre villages, et fit de Cabrière et de Mérindol un monceau de cendres. On a dit, pour défendre le roi, que la Provence était bien loin de la cour de Fontainebleau, toute plongée dans les plaisirs, que le roi ne prévoyait pas l’abominable cruauté de ses agents, et n’entendait pas au milieu de ses fêtes les cris de ses victimes : triste excuse, en vérité, et qui ne lui reste même pas. C’est auprès de lui, dans son conseil, que le fanatisme vint saisir un homme célèbre par ses connaissances, distingué par l’élévation de son caractère, le conseiller d’État Louis Berquin, dont l’unique forfait était d’incliner à la réforme. Relâché une première fois à la sollicitation de la reine Marguerite, il fut repris de nouveau et condamné à avoir Je front marqué d’une fleur de lis, la langue percée d’un fer rouge. La sentence fut exécutée sur la place de Grève, le 16 avril 1529. Jeté dans les prisons pour y mourir après

  1. En 1521, la Sorbonne, en condamnant avec d’autres propositions de Luther, celle-ci : « Hæreticos comburi esse contra voluntatem Spiritûs Sancti, » ajouta ces mots : « Hæc propositio est falsa, et errori Waldensium et Catharorum consona. » D’Argenlré, Collectio judiciorum de novis erroribus, I, II, p. 367. — Vers le même temps, les Pères du concile de Paris s’écriaient : « La félicité et la gloire n’ont appartenu qu’aux princes qui, s’attachant inébranlablement à la foi catholique, ont poursuivi et mis à mort les hérétiques comme ennemis capitaux de leur couronne. » Labb., Concil., t. XIV, p. 462. — Cf. H. Martin, t. VIII, p. 458.
  2. Les Vaudois étaient une ancienne secte de Cathares, qui tirait son nom d’un Lyonnais nommé Valdo. Ils avaient dans le principe prêché le renoncement absolu à toutes les richesses, et de là, par une pente facile, ils en étaient venus à attaquer le clergé. Il est remarquable que la richesse du clergé au moyen âge est ce qui suscite partout des hérésies. On commence par lui reprocher ses richesses et on finit par lui disputer l’administration et le sacerdoce. Valdo, Wiclef, Jean Huss, Luther ont au fond la même origine, ils prennent leurs forces aux mêmes sources. Quand le chef a du génie, comme Jean Huss ou Luther, il fonde une doctrine ; quand il n’a que des griefs et du fanatisme, comme Valdo, il ne fonde qu’une révolte plus ou moins longue.