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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/89

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jusque sur les toits. Le duc emmena avec lui le ministre, cruellement blessé, porté par quatre hommes sur une échelle, et rougissant la route de son sang[1]. La même année, le parlement de Paris rendit un arrêt qui fut lu en chaire tous les dimanches, et qui ordonnait à tous les catholiques de courir sus aux protestants. On les traita, dit un historien, comme des chiens enragés[2]. Le 6 janvier 1563, la cour du parlement décida par un arrêt que « à tous huguenots qui poursuivraient quelques parties en demandant, toute audience leur serait déniée, et au contraire ceux qui les poursuivraient en demandant seraient ouïs[3]. » On se demande ce que faisaient les protestants ? Les protestants se vengeaient. On n’était plus aux temps de la primitive Église, où toute une légion déposait les armes et se laissait égorger par obéissance aux lois de César. Le fanatisme changeait la France en champ de bataille. « N’est-ce pas grande cruauté, disait Vigor[4], dans un sermon sur les dimanches et fêtes, de tirer le couteau contre son oncle, contre son frère ? » Et il se répondait : « Eh ! lequel t’est plus propre, ton frère catholique, ou ton frère charnel huguenot ? » Ainsi l’on prêchait ouvertement le fratricide jusque dans les églises. Le peuple, des deux parts, n’entendait que trop ce langage. Entre mille exemples que je pourrais citer, les mémoires de Condé rapportent l’exécution du chevalier du guet Babaston, qui eut la tête tranchée devant l’hôtel de ville, et dont le corps fut réduit en cendres. « Et est à noter, dit l’historien, que combien qu’il fût mort bon chrétien et repentant des fautes qu’il avait

  1. Mémoires journaux du duc de Guise (coll. Michaud et Poujoulat, t. VI, p. 472),
  2. « Le samedi 27 juin 1562, fust crié que tous ceux de la nouvelle religion jusques aux soupçonnés, qui avaient été déférés par leurs dizeniers, eussent à sortir de la ville et banlieue de Paris, dedans vingt-quatre heures, à peine de la hart, encore qu’ils eussent baillé confession de leur foy. » Mém. de Condé (Michaud, t. VI, p. 684).
  3. Mém. de Condé, coll. Michaud, t. VI, p. 697.
  4. Ce fut lui qui assista du Bourg à l’échafaud.