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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/99

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son départ. « Les prédicateurs et les théologiens en leurs sermons, dit l’Estoile[1], criaient au peuple que Jacques Clément était un vrai martyr ; appelaient cet assassinat et trahison détestable une œuvre grande de Dieu, un miracle, un pur exploit de la Providence ; jusqu’à le comparer aux plus excellents mystères de son incarnation et résurrection. »

Sixte-Quint ne craignit pas, dans la première joie que lui causa la fin violente de Henri III, de l’égaler, pour l’utilité, à l’incarnation du Sauveur, et pour l’héroïsme du meurtrier, aux actions de Judith et Éléazar[2]. Quelques jours avant le meurtre de Henri III, un des principaux chefs de l’union, ayant scrupule de faire ses pâques à cause des sentiments de vengeance qu’il se sentait au fond de l’âme, était venu consulter Guincestre, curé de Saint-Gervais à Paris : « Vous avez conscience de rien, lui répondit le curé ; moi qui consacre chaque jour, en la messe, le précieux corps de Notre-Seigneur, je ne me ferais aucun scrupule de tuer le tyran, à moins qu’il ne fût à l’autel et ne tînt une hostie en main[3]. » Ainsi Bossuet a raison de dire, dans l’Histoire des Variations[4] (il parle pour son temps et les temps antérieurs) : « Les protestants et les catholiques sont d’accord sur la question de savoir si les princes chrétiens sont en droit de se servir du glaive contre leurs sujets ennemis de l’Église et de la saine doctrine. » Et il aurait pu ajouter qu’ils étaient d’accord aussi sur la question de savoir si les sujets avaient le droit du glaive contre les tyrans. Hotman[5] et Languet[6], les pamphlétaires protestants, pensaient sur ce point comme le jésuite Mariana et saint Thomas, l’ange de l’École[7].

  1. Août 1589.
  2. Anquetil, Esprit de la Ligue, t. III, p. 94.
  3. Ch. Labitte, les Prédicateurs de la Ligue, p. 79.
  4. Liv. X, par. 56.
  5. Voir le Franco-Gallia, par François Holman, 1573, in-8o, p. 8.
  6. Vindiciæ contra tyrannos, par Hubert Languet, Amsterdam, 1660, p. 295.
  7. De regimine principum, l. I, col. 6 et 8.