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Page:Kahn - Premiers Poèmes, 1897.djvu/189

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la belle

Reviens à moi, sommeil, scelle-toi sur ma bouche
des mirages de leurs visag-es garde le lac de mes yeux
reprends-moi dans le val aux mousses quiétantes
où toujours l’amoureux soulève un pan de tente
et se retire peureux

Entre mes seins reviens, dans ton cortège d’ombres
les ombres de jadis qui passèrent et moururent
les ombres de silence qui glissent aux nuits planes —
mes épaules lésées dans tes bras las, et la nuit plane

Les meurtres de ma vie enclos-les dans tes deuils,
le méfait de ma beauté couvre-le d’un pan de ta nuit,
donne le fleuve d’oubli qui berce et s’abolit
ah ! reprends-moi, sommeil, scelle-toi sur ma bouche


Et tandis que sort le pèlerin, que le château retombe dans le mutisme séculaire le veilleur des tours chante

Delà les bois silents, et les fleuves, et la lande
mes désirs cinglent vers tes yeux,
énamourées, énamourées
les trombes de mon cœur tournent à ton silence
par delà les soleils des soirs et les bois silents