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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/111

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encore le général Mourata, inventeur du fusil japonais ; le capitaine Kimoura, qui commandait le 9 février la tourelle avant du Foudji, et bien d’autres.

Tous ces officiers se font remarquer par leur discrétion impénétrable et la courtoise habileté avec laquelle ils éludent les demandes de renseignements. Je me rappellerai longtemps le remarquable phénomène d’amnésie dont fut victime un des convives, ancien élève de l’École navale française, qui se trouvait à côté de moi à table. Il me racontait avec les plus minutieux détails la vie qu’il menait il y a quinze ans sur le Borda, mais avait complètement perdu le souvenir de ce qui s’était passé à la première attaque de Port-Arthur, où il s’était distingué. Jetant un regard furtif autour de lui, il me glissa dans l’oreille : « Je suis sûr d’avoir touché le Bayan deux fois. » Il répéta : « Deux fois, » puis se tut, comme honteux de ce qu’il venait d’avouer.

Le lendemain, une heure avant le moment fixé pour le départ, nous nous retrouvons tous à bord. Il y règne un grand désordre ; le bruit d’une nouvelle attaque de l’escadre russe circule ; on parle de nous envoyer à Nagasaki attendre la fin du danger. Personne ne croit à ces rumeurs, même pas, je crois, ceux qui les ont répandues et qui en profitent pour refuser catégoriquement de nous renseigner sur notre destination.