Aller au contenu

Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

histo- qu’on a fini par trouver provisoire et que l’on s’est mis à considérer comme la représentation symbolique d’une croyance de religion pure, et comme le moyen de travailler à la développer.

D’un chaman des Tongouses à ce prélat d’Europe qui gouverne à la fois et l’Église et l’État, ou (si, au lieu des chefs et des pasteurs, nous considérons seulement les adeptes de ces croyances dans leur propre façon de se les figurer) du Vogoul tout matériel, qui, le matin, met sur sa tête la patte d’une peau d’ours, en faisant cette courte prière : « Ne me tue pas ! » au Puritain et à l’Indépendant raffinés du Connecticut, la distance est grande, sans doute, pour ce qui est des façons extérieures (Manier), mais il n’est point de différence pour ce qui est du Principe de la croyance ; car les uns et les autres appartiennent, sous ce rapport, à une seule et même classe, à la classe de ceux qui font consister le culte divin dans une chose qui ne rend pas en soi les hommes meilleurs (dans la croyance à certains dogmes positifs ou bien dans la pratique de certaines observances arbitraires). Ceux-là seuls pour lesquels le culte ne peut consister que dans l’intention d’une bonne conduite se distinguent de tous les autres parce qu’ils s’éloignent de ce principe pour en prendre un autre tout différent et de beaucoup plus élevé, qui est le principe en vertu duquel ils se regardent comme membres d’une Église (invisible) comprenant tous les gens animés de bonnes intentions (alle Wohldenkenden) et qui seule, d’après sa nature essentielle, peut être la véritable Église universelle.

Le même but leur est commun à tous ; ils cherchent à tourner à leur avantage la puissance invisible qui préside au destin des hommes ; le seul point où ils se distinguent, c’est dans la façon de s’y prendre. S’ils se font de cette puissance l’idée d’un Être intelligent et doué, par suite, de volonté, et d’une volonté qui doit décider de leur Sort, tous leurs efforts ne peuvent consister que dans le choix de la