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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/368

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prat. Ce roman commencé l’été précédent, immédiatement après la fin de son procès, devait proclamer le principe du vrai mariage chrétien indissoluble, reposant sur la constance de l’homme et la fidélité de la femme à leur amour unique, et la chasteté obligatoire pour l’un comme pour l’autre avant le mariage. Mais les nombreuses scènes tragiques et sombres de ce roman témoignent plutôt de l’humeur triste et morne de l’auteur au moment où elle écrivait son livre. Dans la Dédicace des Maîtres Mosaïstes, George Sand dit à Maurice D. : « Crois-tu donc, petit, que ton vieux père puisse avoir des idées riantes après un hiver si rude, après un printemps si pâle, si froid, si rhumatismal ? Quand le triste vent du nord gémit autour de nos vieux sapins, quand la grue jette son cri de détresse au son de l’Angelus qui salue l’aube terne et glacée, je ne puis rêver que de sang et de deuil. Les grands spectres verts dansent autour de ma lampe pâlissante et je me lève, inquiet, pour les écarter de ton lit… »

Mais tout prit bientôt une couleur plus riante. Le 1er} avril commença la publication de Mauprat, les enfants allaient mieux, les relations entre Mme Dudevant et Michel semblaient prendre une meilleure tournure, et bientôt sous le toit hospitalier de Nohant, pour la première fois depuis que George Sand y était la maîtresse absolue, on vit se réunir, les uns après les autres, de nombreux amis et connaissances, et le joyeux mois de mai trouva cette maison, peu auparavant si calme et si sombre — retentissante, de bruit, de musique, de conversations animées. L’un des premiers arrivés fut Eugène Pelletan[1], plus tard un écrivain célèbre, mais venu alors à Nohant pour y

  1. Eugène-Pierre-Clément Pelletan, écrivain et homme politique fort connu, né à Saint-Palais-sur-Mer en 1813, mort à Paris en 1884.