Aller au contenu

Page:Kinon - L’Âme des saisons, 1909.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
LA NEIGE ET LES LAMPES

Avance. Un champ de neige immaculée, avec
Une sorte de sel que fouette le vent sec,
Et tout là-bas, au fond, des montagnes de verre
Et de cristal cassé, qui, sous la lune claire,
Semblent verser sur le névé silencieux
Une cascade glabre et glauque à reflets bleus.
Marche encore. Soudain une espèce de fouine,
Au nez pointu barré de moustaches félines,
File d’un bond oblique et, comme un éclair roux,
Rase la neige unie et passe on ne sait où...

Tu t’arrêtes, le cœur oppressé. Tu regardes
Le cirque sépulchral des montagnes hagardes ;
Tu fixes avec une étrange attention
Les prunelles de feu des constellations ;
Et, frissonnant du songe insondable des choses,
Tu fais encore un pas en avant, si tu l’oses,
Et tu vas, titubant dans la spectrale nuit,
Parmi la vie obscure et sourde qui s’enfuit
Sournoisement autour de tes pas de fantôme,
Soit qu’une ombre trapue et boiteuse de gnome
Glisse sans bruit, soit qu’un renard à fin museau
Eternue ou grimace en sifflant des naseaux,
Soit qu’une zibeline ou qu’une martre brune
Saute et s’évanouisse en des clartés de lune...