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Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/174

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s’étaient brusquement adonnés à la bière allemande et à qui elle avait été funeste : les uns envahis d’idées homicides, d’autres enlevés à la fleur de l’âge, d’autres obligés d’abdiquer leurs plus chères ambitions sentimentales.

Il était dix heures, quand nous nous mîmes en route pour rentrer à l’hôtel. Des nuages épais voilaient la lune par instants. Harris dit :

— Ne prenons pas le chemin par où nous sommes venus. Rentrons par les quais. C’est merveilleux au clair de lune !

Chemin faisant, il conta la triste histoire d’un homme qu’il avait connu et qui se trouvait présentement dans un asile, section des gâteux inoffensifs. Cette histoire, confessa-t-il, lui revenait en mémoire, parce que cette nuit-ci lui rappelait tout à fait celle où il s’était promené avec ce malheureux pour la dernière fois. Ils descendaient lentement les quais de la Tamise, quand cet homme l’effraya en affirmant voir de ses yeux, au coin de Westminster Bridge, la statue du duc de Wellington qui, comme chacun sait, se trouve à Piccadilly.

C’est à ce moment même que nous arrivâmes en vue de la première des effigies de bois. Elle occupait le centre d’un petit square entouré de grilles, à peu de distance de nous, de l’autre côté de la rue. George s’arrêta net.

— Qu’y a-t-il ? dis-je. Un petit étourdissement ?

— Oui, en effet. Reposons-nous une minute.

Il resta cloué sur place, les yeux fixés sur l’objet.